Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/128

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s’imaginer que celui-ci lui apparaît ; et alors l’illusion se produit pour cet évocateur.

Je citerai deux cas, à ma connaissance personnelle :

Le premier est celui d’un gentleman de Liverpool, qui s’était affilié à un club spirite de sa ville, et que j’ai eu l’occasion de soigner au cours d’une traversée. Ce n’était pas un franc-maçon. Il avait subi de gros revers de fortune, et il avait été d’abord possédé par une idée fixe : obtenir du diable, puisque la Providence semblait l’avoir abandonné, l’indication de quelque lieu souterrain où serait enfoui un trésor.

Quand il fut au courant des divers modes d’appel aux esprits, il commença ses opérations de magie. Néanmoins, il n’osait pas évoquer le diable en personne ; il se bornait à requérir le concours des âmes de trépassés.

Il évoqua, sans aucun succès, une foule de personnages historiques, depuis Brennus et Vercingétorix jusqu’à Gaspard de Coligny. Aucun diable n’apparaissait devant lui, sous les formes sollicitées, ni sous une forme quelconque. Notre gentleman se désolait, puisque nul esprit ne consentait à lui révéler la caverne tant désirée.

Hanté par son désespoir d’évocateur à qui tous les esprits sont rebelles, il en vint à avoir le cerveau complètement troublé.

Il était mûr pour l’hallucination. Elle se produisit lorsqu’il fut tombé dans l’hypocondrie.

Alors, il rêvait tout éveillé. Il apercevait l’entrée d’une grotte imaginaire et se figurait qu’il y entrait. Là, il trouvait un squelette assis sur le sol humide, qui lui disait être le squelette d’Allan-Kardec et qui le faisait attacher à un poteau par des fantômes d’hommes sauvages.

Puis, le squelette le narguait, se moquait de lui, lui reprochait de n’avoir pas su être prévoyant comme administrateur de sa fortune.

Après quoi, surgissaient de toutes parts les personnages qu’il avait si longtemps évoqués en vain. Ils accouraient tumultueusement, tous ensemble, fantômes de gens célèbres de tous pays et de toutes les époques. Ils le menaçaient, faisaient mine de vouloir le tuer. Diogène, armé d’une pierre pointue et n’ayant pour tous vêtements que de longs cheveux, courait droit sur lui, en criant qu’il allait lui fendre le crâne ; le philosophe cynique était le plus excité de la bande.

Le gentleman interpellait le squelette d’Allan-Kardec :

— Puisque tu m’as livré à eux, disait-il, eh bien, fais finir cette torture ; qu’ils me tuent tout de suite ! J’en ai assez de cette vie, je veux mourir.

Mais le squelette ricanait.

Quand notre homme était en proie à cette hallucination, il retombait affaissé à la fin de la crise, et il restait de longues heures sans parler, comme anéanti.