Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/154

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les festins des fantômes et des spectres, faire mouvoir, les meubles d’un appartement par des esprits invisibles. Il se disait escorté par des multitudes d’ombres, auxquelles il donnait le nom d’âmes des morts. » (Patrologie grecque, t. 89, col. 523.)

Un autre mage de cette époque, non moins célèbre, et appartenant comme lui à cette même école d’Alexandrie d’où sont sortis les Gnostiques, ancêtres des Palladistes, a jeté un trop vif éclat, et est trop formellement exalté comme un des patrons, des ancêtres vénérés de la nouvelle secte satanique, pour que nous le passions sous silence[1]. Apollonius de Tyane est un des maîtres reconnus de la nécromancie moderne, et d’autant plus volontiers qu’il passe pour un sage, un profond philosophe. On peut dire que ç’a été le triomphe de Satan de se concilier ainsi nombre d’esprits distingués et en apparence défenseurs des grands principes de la raison et de la morale, pour abriter derrière eux la scélératesse de ses desseins et la grossièreté de ses mensonges. Il a bien compromis le nom même de Socrate, en lui faisant ajouter foi à ce démon familier qui lui recommandait d’immoler un coq à Esculape.

Ainsi en fut-il de tous ces philosophes d’Alexandrie, qu’il induisit à mêler à leurs systèmes cosmogoniques ou théologiques les dogmes et les pratiques les plus absurdes de la théurgie et de la magie. Les Plotin, les Porphyre, les Jamblique, — cela est certain pour quiconque y regarde de près, — ne sont que des adeptes de la cabale et du satanisme.

Pendant qu’en Occident, à Rome, pullulaient les magiciens de carrefour et les médiums vulgaires, si bien qu’ils devenaient un fléau et que les empereurs étaient obligés de les expulser comme avait fait Saül, des prodiges plus relevés s’accomplissaient en Égypte et dans l’Orient sous le couvert de la philosophie et de la science ; le grand thaumaturge, disciple de Pythagore, Apollonius de Tyane, étonnait le monde par ses miracles, et, comme disent nos spirites modernes, « rattachait de nouveau la terre au ciel, » c’est-à-dire à l’enfer, puisque nous le savons, pour les initiés, le ciel n’est que le royaume du dieu Lucifer.

Il est impossible, en effet, quand on a parcouru cet ensemble de prestigieuses merveilles qui composent la vie du magicien de Tyane, de n’y voir que de la jonglerie, de la prestidigitation, des tours de physique amusante, comme ceux d’un Robert-Houdin ; on ne peut supposer, sans renoncer à toute espèce de certitude, que des milliers de témoins, qui ont ajouté foi à ces étranges phénomènes, aient été ou les dupes d’un impudent charlatanisme, ou les jouets d’une impossible hallucination.

  1. Tout dernièrement encore, M. Jules Bois, dans un poème intitulé : la Porte héroïque du Ciel (drame ésotérique), mettait Apollonius de Tyane à peu près sur le même rang que Jésus-Christ.