Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/190

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essaya de lui arracher ses chères croyances, mais heureusement sans le moindre succès.

« La veille de son départ pour l’autre monde, plusieurs personnes vinrent chez lui ; l’une d’elles m’avoua que c’était pour s’assurer si les derniers moments n’amolliraient pas son courage, ou n’amèneraient pas une rétractation. J’en parlai à Ezra qui me pria de les faire entrer dans sa chambre, où je les laissai pour aller prendre un repos de quelques heures.

« À une heure et demie du matin, Ezra m’envoya chercher, je les trouvai encore là ; Ezra avait parlé la plus grande partie du temps. En s’adressant à sa mère, il disait : « Songez seulement, mère, que je ne boiterai plus ! » — Il boitait depuis l’âge de six mois. — Il me pria de regarder par la croisée et de lui dire comment était le matin ; je lui répondis qu’il faisait un beau clair de lune ; il me rappela une conversation que nous eûmes six mois avant, dans laquelle il disait qu’il aimerait à s’en aller par un clair de lune, tandis que moi je préférais le soleil couchant.

« Il m’exprima le désir que personne ne portât le deuil pour lui ; il me pria de garder sa main dans la mienne, et, pendant que je la tenais ainsi, sa figure s’illumina tout à coup d’une expression de béatitude ; puis il prononça mon nom, comme s’il eût voulu me montrer quelque douce vision glissant devant ses yeux, et l’âme s’exhala…

« Depuis le départ d’Ezra, il a été fréquemment avec moi, m’exhortant à écrire à sa mère et à sa sœur. Quelquefois j’ai senti quelque chose, évidemment lui, s’emparer de ma main et tracer sa propre écriture. »

On voit que le jeune magicien prenait au sérieux la mission dont le démon seul pouvait lui avoir inspiré l’idée ; le lecteur aura remarqué que cette mort, à laquelle Hume seul préside, a tous les caractères d’une mort diabolique ; il n’y est nullement question de Dieu, de rédemption, de fin dernière, mais seulement de clair de lune, de coucher de soleil, d’un état bienheureux où disparaîtront les infirmités corporelles, et où l’âme du défunt entretiendra avec les vivants un agréable commerce. Ce seul récit suffirait pour ne laisser aucun doute sur le véritable auteur de ces manifestations d’outre-tombe.

Aussi Satan, heureux du succès des débuts de son disciple, ne lui laisse-t-il pas de repos dans l’exécution de ses desseins ; rien ne doit entraver sa mission démoniaque.

Un jour, par exemple, Hume rencontre un savant, théologien dévoyé, professeur d’hébreu et de langues orientales à New-York, Georges Bush, qui avait sacrifié sa carrière sacerdotale à l’étude des doctrines de Swedenborg. Celui-ci, frappé des dons surnaturels de Hume, l’invita à venir habiter sa maison pour y étudier avec lui les écrits du grand nécromant suédois. Mais l’étude de Swedenborg parait à Hume bonne pour des rêveurs et des fous ; il