Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/231

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tement sur l’intelligence et la volonté, et enlèvent au maléficié sa conscience avec le sentiment de sa personnalité.

Les maléfices peuvent atteindre non seulement l’homme, mais les animaux et les objets inanimés eux-mêmes.

L’observation des faits qualifiés de maléfices ou de sortilèges remonte à la plus haute antiquité. Arrêtons-nous à Platon. Quand ce grand philosophe voulut donner des lois à sa République idéale, il dut s’occuper de ces phénomènes extraordinaires, afin d’établir ce que ces Lois devaient statuer touchant ceux qui en étaient les auteurs ; le maléfice devait-il être considéré comme un crime punissable par les lois ? Voici la réponse de Platon (Lois, livre xi, traduction de M. Cousin) :

« Il y a parmi les hommes deux espèces de maléfices dont la distinction est assez embarrassante. L’une est celle que je viens d’exposer nettement, lorsque le corps nuit au corps par les moyens naturels. L’autre, au moyen de certains prestiges, d’enchantements et de ce qu’on appelle ligatures, persuade à ceux qui entreprennent de faire du mal aux autres qu’ils peuvent leur en faire par là, et à ceux-ci qu’en employant ces sortes de maléfices on leur nuit réellement. Il est bien difficile de savoir au juste ce qu’il y a de vrai en cela ; et quand on le saurait, il ne serait pas aisé de convaincre les autres. Il est même inutile d’entreprendre de prouver à certains esprits fortement prévenus qu’ils ne doivent pas s’inquiéter de petites figures de cire qu’on aurait mises ou à leur porte, ou dans les carrefours, ou sur le tombeau de leurs ancêtres, et de les exhorter à les mépriser, parce qu’ils ont une foi confuse à la vérité de ces maléfices. Celui qui se sert de charmes, d’enchantements et de tous autres maléfices de cette nature à dessein de nuire par de tels prestiges, s’il est devin ou versé dans l’art d’observer les prodiges, qu’il meure ! Si, n’ayant aucune connaissance de ces arts, il est convaincu d’avoir usé de maléfices, le tribunal décidera de ce qu’il doit souffrir dans sa personne ou dans ses biens. »

Quelle que soit l’opinion personnelle de Platon sur la réalité des maléfices, ce passage prouve que la plupart des maléfices observés depuis par les démonologues étaient pratiqués de son temps autour de lui, que les fameuses sorcières de Thessalie avaient fait école jusque dans l’Attique, et que ces pratiques lui paraissaient assez dangereuses pour préoccuper un homme d’État et devenir l’objet d’une législation pénale toute spéciale. La loi qu’il portait contre les auteurs de maléfices relevant de l’art des devins ou de la magie, était celle même que nous trouvons décrétée dans l’Exode et le Deutéronome :

« Vous ne souffrirez point ceux qui jettent des maléfices, ils méritent la mort. » (Exode, xxii, 18.)

« Que personne parmi vous ne consulte les devins… ne pratique de