Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/266

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ville d’un groupe affilié au rite de Charleston. D’autre part, son caractère n’était pas fait pour se plier aux exigences d’Albert Pike. Ce qui fait la force au Palladisme, c’est son secret si rigoureusement gardé, même au sein de la maçonnerie ordinaire ; Boullan, au contraire, aimait s’afficher ; il n’eût jamais pu tenir l’emploi d’un Larocque, d’un Bordone, d’un Umberto dal Medico, ou de tout autre de ces maçons du Rite Suprême que leurs Frères coudoient dans les loges, sans soupçonner quel rôles ils y jouent ni quelles sont leurs occupations ailleurs.

Et puis, Boullan opérait en magicien insuffisamment mystérieux. Il voulait faire des cures magiques et en tirer bénéfice ; d’où son procès pour exercice illégal de la médecine, et la qualification d’escroquerie que le tribunal appliqua à son système, en lui octroyant trois mois de prison. Sa thérapeutique de sorcier était particulièrement répugnante : un malade se présentait-il à lui, il lui crachait dans la bouche. « On lui reprocha au tribunal, dit l’Éclair, de faire un élixir du mélange de deux liquides naturels fournis par lui et par une femme ; devant les juges, Boullan déclara ces pratiques conformes à sa foi. » Nous allons voir tout à l’heure M. Jules Bois, autre docteur en occultisme et l’un des admirateurs et disciples enthousiastes de feu Boullan, célébrer comme une merveille une des plus abominables profanations du défroqué.

A-t-il vraiment accompli des guérisons extraordinaires, par des moyens surnaturels ? Cela se peut ; mais alors, incontestablement, c’est par le pouvoir du diable qu’il agissait.

Voilà pour la médecine de l’ex-abbé Boullan.

Quant au « sacrifice de gloire de Melchissédec », quant à sa « messe rouge », il ne me sera pas difficile d’en montrer le caractère diabolique.

Je prends l’article même de M. Auquier ; il est facile de voir, à sa simple lecture, que la cérémonie de l’ami de MM. Jules Bois et Huysmans est une contrefaçon de la messe chrétienne : les pains azymes sont, ni plus ni moins les hosties que l’officiant sacrilège consacre ; le manteau blanc découpé sur la poitrine en forme de croix renversée est un ornement luciférien. Sur ce point, un mot d’explication : la croix maçonnique, la croix de l’occultisme est, sauf quelques rares exceptions, la croix aux branches d’égale longueur, et ceci a pour but de la distinguer de la croix chrétienne, dont la branche perpendiculaire est plus longue que l’horizontale ; on sait, en outre, le sens honteux qui est donné par les sectaires à la ligne verticale traversant l’astre, sens qui est accentué encore par la position d’une rose (emblême du sexe féminin) à l’intersection des bras de la croix ; c’est là, explique-t-on au 18e degré de l’initiation, le symbole de la vie triomphant de la mort et de l’humanité se renouvelant sans cesse ; mais alors, en occultisme, cette croix ainsi interprétée n’est jamais représentée renversée ; par contre, lorsqu’il