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loin son ennemi, sans qu’il soit possible à M. Brouardel lui-même de lui trouver dans les viscères le moindre poison végétal. »


Cette citation n’était pas inutile, l’écrivain reproduit ayant fidèlement relaté ce qu’il a vu ; et son impartialité est d’autant plus indiscutable que, personnellement, il déclare, en sa conclusion, qu’il n’est nullement convaincu par les expériences auxquelles il a assisté chez M. de Rochas « dont la bonne foi scientifique, dit-il, n’est, d’ailleurs, nullement en cause ». M. Horace Blanchon pense que les sujets employés par le colonel sont de bonnes simulatrices, et voilà tout. La vérité est qu’il n’y a en tout cela ni résultat scientifique naturel, ni supercherie non plus, M. de Rochas n’étant pas un naïf à qui des farceuses en imposeraient ; il y a œuvre du diable, ni plus ni moins, et c’est ce que beaucoup ont le grand tort de ne pas vouloir comprendre. Ce n’est pas la science des hommes, mais celle de l’Église seule, qui est capable d’expliquer et qui explique ces phénomènes étranges et troublants.


C. — CHARMES ET PHILTRES


On entend proprement par charmes (du latin carmen, vers, chant) toute préparation magique rendue efficace par la vertu de paroles mystérieuses, parfois chantées ; le mot incantation exprime l’acte même de cette exécration verbale.

Les substances qui entrent dans la composition du charme sont d’une très grande variété, et le charme est d’autant plus puissant que les substances qu’on y mêle sont plus étranges et plus incompatibles, les paroles plus mystérieuses et plus incompréhensibles. « Les formules les plus incompréhensibles, dit Pic de la Mirandole, et les plus absurdes en apparence, sont magiquement les plus efficaces. » C’était déjà l’opinion de Jamblique, disant que « ces formules de la magie qui paraissent barbares et inintelligibles sont pourtant vénérables, parce qu’elles sont révélées d’en haut et se rapprochent par leur inintelligibilité même de la langue des dieux ». Il existe, en effet, une sorte de langue infernale, dont Albert Pike a formé, dit-on, un vocabulaire[1].

Aussi le sorcier, en pays chrétien, a toujours soin d’amalgamer dans la composition de ses charmes les choses saintes avec les profanes, le ciel avec l’enfer, les objets sacrés avec les substances les plus viles et les plus obscènes. En voici un exemple des plus frappants, emprunté à l’Autobiographie de Madeleine Bavent, dont j’ai résumé plus haut l’histoire de la possession, autobiographie publiée par le R. P. Desmarets, prêtre de l’Oratoire et sous-pénitencier de Rouen, son confesseur :

  1. Certains chants palladistes, certaines formules de la Ré-Théurgie Optimate, sont composés de mots barbares qui ne paraissent avoir aucun sens et n’en ont peut-être pas. D’autres, écrits sous la dictée des démons, appartiennent évidement à la langue infernale.