Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/311

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Cette pauvre femme, terrifiée, courut chez son curé et demanda à être entendue en confession. Le curé l’entendit, lui donna l’absolution ; mais aussitôt elle devint muette. Rentrée chez elle, elle trouva toute sa famille frappée du même mutisme. Son mari et ses enfants roulaient des yeux hagards, criant, vociférant et se cachant au moindre bruit dans quelque coin obscur de la maison. Les choses durèrent ainsi pendant six mois, la maison ouverte à tous venants, les terres abandonnées, etc. Les témoins de ce fait prodigieux (qui se rapproche singulièrement de celui que nous venons de voir dans le document de 1348) sont, d’abord, toute la population du lieu, les autorités civiles et militaires, le clergé, les journaux du temps, nombre d’étrangers et particulièrement d’Anglais venus tout exprès de Jersey pour le voir, etc.

Quant aux maléfices exercés sur les personnes, ne les retrouve-t-on pas, avec tous leurs caractères diaboliques, dans maints phénomènes du prétendu magnétisme et du spiritisme des Vocates Procédants ?

Cahagnet, dans sa Magie magnétique, raconte le fait suivant :

Une femme vint consulter Adèle (sa somnambule), accompagnée d’un sieur Médard, de Saint-Gratien ; elle éprouvait une maladie de langueur. Adèle lui dit que son ennemie est une parente avec laquelle elle s’est souvent disputée : « Elle agit, tandis que vous n’agissez pas. Chaque fois qu’elle passe devant votre porte, elle vous envoie un mauvais fluide en vous montrant le poing.» — Cette femme affirme qu’on ne lui a jamais jeté de fluide et regard naïvement ses habits. — « Ce qu’elle vous a envoyé est invisible, dit la lucide, et votre ami vous en débarrassera. » — Le sieur Médard, peu habile à magnétiser, fut instruit par Adèle, et à mesure que la maléficiée guérissait, on voyait son envoûteuse tomber peu à peu dans le marasme. Cette femme, alors bien guérie, ayant été atteinte d’une maladie aiguë, son envoûteuse, qui ne connaissait nullement le magnétisme, continua, par un ressentiment aveugle, de diriger sur elle, qui ne pouvait plus se défendre, son fluide malfaisant, de sorte que celle-ci succomba et l’envoûteuse récupéra la santé.

Le même Cahagnet nous raconte qu’il fut lui-même la victime d’un sortilège, ressemblant fort à l’envoûtement.

« On peut, dit-il, renverser un sujet, le faire agir comme on le désire ; on peut l’attirer à soi, lui imprimer des marques sur le corps, lui donner à distance des coups de bâton ou des soufflets… Si l’on étudie ce que l’on peut faire en ce genre, on voit se rétablir une à une les croyances réputées ridicules des paysans concernant les sorciers. Les personnes assez avancées dans cette science poussent la prudence jusqu’à ne point laisser à la disposition de leurs ennemis des pains à cacheter enduits de leur salive… La justice n’a-t-elle pas saisi au domicile de certaines somnambules certains