Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/359

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Aussi, quand le Congrès maçonnique se réunit quelques semaines plus tard à Milan, les chefs firent ressortir que le parti anticlérical s’organiserait très facilement, pourvu que partout les loges suivissent l’exemple de Rome.

Lorsque, le 2 juin 1882, l’Assemblée Constituante de la maçonnerie italienne ratifia les décisions du Congrès de Milan, le mouvement était déjà commencé dans les provinces. Or, tandis que l’assemblée des sectaires émettait son vote définitif, ce même jour-là, presque à la même heure, le F∴ Giuseppe Garibaldi rendait le dernier soupir, dans sa solitude de Caprera. Il y eut, chez les francs-maçons, une vive surprise, quand on en reçut la nouvelle au Grand Orient de Rome ; rien n’avait pu faire prévoir cette fin, car à cette époque le fameux condottiere était très bien portant ; il fut pris d’un étouffement subit, inexplicable, qui le tua en quelques secondes sur son fauteuil, où il se reposait, prenant l’air, près d’une fenêtre ouverte. C’était lui qui avait stimulé le zèle de Lemmi ; la main de Dieu s’appesantissait sur lui, au moment où son œuvre de mal était consacrée par le suffrage unanime des chefs de la secte en Italie.

Un an après, l’œuvre maudite était constituée dans les principales villes. Mais il est bon de dire que Lemmi ne l’avait pas bornée à la péninsule. Dès 1881, peu après la réunion du palazzetto Sciarra, il avait inspiré la formation de groupes du même genre en France et en Espagne.

Dans un rapport officiel qu’un certain F∴ espagnol, nommé Agapito Balaguer, revenant d’un voyage (juillet 1883), adressait au F∴ Antonio Romero Ortiz, grand-maitre du Suprême Conseil d’Espagne, j’ai trouvé des renseignements fort intéressants sur les résultats obtenus et en Italie par Lemmi au bout d’un an.

« À cette heure, écrit le F∴ Agapito Balaguer, il n’est pas une ville italienne de plus de 8.000 habitants qui n’ait son cercle anticlérical ouvrier. La propagande contre la superstition catholique a pris, dans ce pays, des proportions inouïes, dont nous ne saurions trop nous réjouir.

« Toutefois, les Italiens n’ont pas un fonctionnement semblable à celui des Espagnols et des Français. Les groupes n’ont pas, en général, un comité central apparent, les reliant les uns aux autres d’une façon permanente. Chacun semble, aux yeux des membres non-initiés, se mouvoir avec une parfaite autonomie. Ce n’est que dans certaines occasions, par exemple, pour fêter un anniversaire populaire, qu’ils centralisent leurs pouvoirs entre les mains d’un comité élu, lequel a une existence qui prend fin aussitôt après l’expiration des causes de sa formation ; et, de cette manière, la véritable direction centrale est ignorée.

« Le mot d’ordre est toutefois le même dans tous les groupes, et les drapeaux de chaque cercle, d’un bout à l’autre de l’Italie, sont d’un modèle semblable. En cas de manifestation, tous les groupes sont sur pied ; chaque