Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/379

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l’Ordre des Odd-Fellows. Dans la séance du 20 septembre, l’assemblée générale des sociétaires américains décida que les loges d’Odd-Fellows pourraient tenir des réunions androgynes, et l’on créa pour les femmes un grade, sous le titre de Rébecca. Il fut décidé, en outre, que les veuves d’odd-fellows qui feraient la demande d’affiliation seraient reçues de plein droit, sans être soumises à aucun scrutin, qu’elles ne paieraient aucune contribution, et qu’elles porteraient, comme insigne distinctif, un ruban vert et rose ; mais cette admission ne pourrait toutefois avoir lieu que si le mari défunt n’avait laissé aucune dette vis-à-vis de la caisse de la loge.

Trois ans plus tard, l’Ordre, étant en pleine prospérité, fut l’objet d’une transformation qui resta ignorée de la plupart de ses membres et qui lui inocula le satanisme.

Un maçon écossais, du nom de Longfellow, qui, vers 1837, était venu s’établir aux États-Unis, recommandé au F∴ John Cogdell, président de la Grande Loge dite des Anciens Francs-Maçons de la Caroline du Sud, et qui, sachant faire valoir ses services, avait fini par se faire agréer comme secrétaire particulier du F∴ Moïse Holbrook, souverain grand commandeur grand-maître du Suprême Conseil de Charleston, s’était affilié aux Odd-Fellows, pour étudier le mécanisme de leur organisation ; Holbrook lui avait bien volontiers accordé l’autorisation de cumulation de rites.

Longfellow s’était voué depuis longtemps à l’étude des sciences occultes. Moïse Holbrook, qui, pour sa part, connaissait à fond tous les secrets de la cabale, avait parfait son éducation de sataniste.

Souvent, Longfellow et Holbrook avaient caressé entre eux le projet de créer dans la maçonnerie un rite nettement luciférien ; le vieux Moïse avait composé à cet effet une horrible cérémonie, qu’il avait intitulée la Messe Adonaïcide. Leur idée première était de faire pénétrer ce rite exécrable dans les arrière-loges par le canal de la maçonnerie de l’Écossisme ; mais, à cette époque-là, le Suprême Conseil de Charleston n’avait pas encore la prépondérance sur les autres Suprêmes Conseils du Rite Écossais.

Puis, Moïse Holbrook mourut, et son disciple Longfellow quitta Charleston, emportant les cahiers manuscrits du rite infernal en préparation.

En 1854, l’ex secrétaire intime du grand-naître cabaliste réunit, parmi ses co-affiliés odd-fellows, quelques membres haineusement anticatholiques des loges du Canada et leur fit part du plan qu’il avait conçu. La réunion, tenue secrète, à l’insu des autres sociétaires, eut lieu à Hamilton.

Wildey avait alors, depuis longtemps, franchi le cap de la soixantaine ; Longfellow lui avait montré les cahiers de Moïse Holbrook, et il en avait été émerveillé. Cependant, Wildey n’avait pas osé prendre sur lui la responsabilité de l’innovation éclose dans le cerveau de Longfellow ; mais il lui avait laissé carte blanche pour tenter l’expérience.