Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/380

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Le plan de Longfellow, exposé à la réunion secrète d’Hamilton, était celui-ci :

On laisserait subsister, sans aucun changement, l’organisation et les grades des Odd-Fellows d’alors, et l’on s’en servirait comme d’un paravent pour mieux cacher l’existence d’une seconde initiation. En d’autres termes, il y aurait deux classes d’initiés : les uns constitués et cérémoniant comme à l’ordinaire, qui ne se soupçonneraient pas former une première classe ; les autres, choisis avec soin parmi les premiers et formant la deuxième classe, pour pratiquer un rite essentiellement satanique.

La proposition de Longfellow fut adoptée ; néanmoins, il y eut encore beaucoup de tâtonnements dans sa mise à exécution, jusqu’en 1858. Les loges lucifériennes étaient peu nombreuses et fonctionnaient mal, irrégulièrement ; les parfaits initiés, c’est-à-dire les satanistes, agissaient trop isolés. Thomas Wildey, devenu jaloux de son pouvoir et craignant de se voir éliminer ou tout au moins de voir Longfellow empiéter sur son autorité, se prêtait peu à favoriser le développement de la seconde classe, refusait les locaux. Aux yeux de tous, il restait toujours le grand-maître de l’Ordre ; Longfellow, grand-maitre des parfaits initiés épars, mal reliés les uns aux autres, n’avait pour ceux-ci qu’un titre, n’était considéré que comme une sorte de pontife innovateur du rite satanique, mais n’était nullement obéi.

Bref, Longfellow fut un moment découragé de voir ses tentatives infructueuses.

En 1857, il fit un voyage aux États-Unis, revit ses anciens amis du Suprême Conseil de Charleston, exposa de nouveaux plans au docteur Gallatin Mackey, qui était alors grand-secrétaire du Suprême Conseil et rédigeait la Quaterley Rewiew ; il communiqua aussi ses idées à Albert Pike, qui les goûta fort, mais ne pouvait les imposer, du moins le dit-il, et qui sans doute songea dès lors à se les approprier pour établir plus tard sa domination sur tout l’Écossisme, puis sur toute la Franc-Maçonnerie.

Le souverain commandeur grand-maître à Charleston, le F∴ John Honour, fat sondé à son tour par Longfellow ; sans doute, il approuva le plan de celui-ci ; mais, comme Wildey, il craignit, s’il l’adoptait, de livrer la maison à un rusé compère qui pourrait le supplanter. Pour repousser les offres de Longfellow, il fit valoir que son grand lieutenant commandeur Charles Furman n’avait aucune tendance luciférienne, et qu’il serait impossible de greffer le rite satanique pur sur l’Écossisme, sans mettre Furman dans le secret.

Longfellow ne se tint pas pour battu. Il regagna l’Europe et tenta d’obtenir du Suprême Conseil d’Ecosse (pratiquant le rite écossais en 33 degrés) ce qu’il n’avait pu obtenir du Suprême Conseil de Charleston. Il avait à Édimbourg des amis dévoués : entre autres, Samuel Somerville, qui l’avait autrefois recommandé à John Cogdell, et le colonel Swinburne. Somerville et Swinburne étaient tous deux trente-troisièmes : le premier était devenu, en outre, trésorier général du Suprême Conseil.