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mettant de prédire par les cartes quels sont les chevaux qui doivent gagner aux courses.

Les Duchâtellier, les Andréa, les Lenormand, toutes se valent, qu’elles croient ou non à leurs systèmes ; même celles qui sont de bonne foi trompent leurs consultants, parce qu’il ne peut pas y avoir de divination vraie. Mais, ce qui est le plus dangereux pour les clients assidus qui fréquentent les salons de ces soi-disant prophétesses, c’est que le diable, quoique invisible, y rôde, et que, sans le savoir, ils s’habituent à prendre contact avec lui.


C. — ONÉIROCRITIE


Parmi les phénomènes naturels qui ont servi de base à la pseudo-science divinatoire, les songes occupent un des premiers rangs. Les gens qui veulent à tout prix connaitre l’avenir se sont demandé si cette seconde vie, que nous vivons pendant le sommeil, ne pourrait pas être la révélation des événements futurs qui nous attendent dans notre vie d’état de veille. Et de tout temps, les charlatans, experts en l’art de se faire des rentes par l’exploitation de la crédulité des superstitieux, ont répondu affirmativement à cette question. Par conséquent, on s’est mis à chercher les moyens d’interpréter dans ce sens les visions du sommeil, et de créer des règles, un système pour cette interprétation.

De là, l’Onéirocritie, ou l’art d’interpréter les songes, qui a joui, dès l’antiquité, d’une popularité universelle. Attribué par le juif Thilon à Abraham, et par Pline à Amphictyon, cet art remonte aux origines mêmes de l’espèce humaine.

On sait quelle importance les anciens, Grecs et Romains, attachaient aux rêves, et quelle célébrité avait acquise en Grèce l’antre béotien de Trophonius. Les interprètes des songes étaient considérés comme des êtres doués d’une vertu surnaturelle ; la science d’Amphiaraüs le fit mettre au nombre des dieux.

On trouve même dans la Bible un certain nombre de récits qui laisseraient supposer que Dieu se sert des visions nocturnes pour éclairer parfois l’homme sur ses destinées futures. Une foule de songes mentionnés dans l’Ancien Testament nous montrent l’Esprit de Dieu soufflant sur l’homme pendant son sommeil et lui inspirant des prévisions de l’avenir. Le Nouveau Testament s’ouvre par un songe de ce genre : l’ange apparaissant à Joseph et lui annonçant que Marie enfanterait un fils, à qui il donnerait le nom de Jésus.

Les partisans de l’onéirocritie ont donc pris texte de ces faits isolés rapportés dans la Bible, pour en tirer argument, oubliant que, si Dieu a agi ainsi en des circonstances exceptionnelles, il ne s’ensuit pas que tout songe