Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/40

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soit forcément envoyé par lui avec un sens caché de révélation. C’est pour quoi, à ce mauvais argument du charlatanisme et de la crédulité aveugle, il convient d’opposer, pour combattre cette superstition, certains passages du Lévitique et du Deutéronome, qui sont assez précis, certes, comme celui-ci : « Non augurabimini, nec observabilis somnia (vous n’augurerez point, ni n’observerez les songes)… Celui qui s’attache à de fausses visions, dit l’Ecclésiaste, est comme celui qui embrasse l’ombre et qui poursuit le vent… Les divinations de l’erreur, les augures trompeurs et les songes des méchants ne sont que vanité. N’appliquez point votre pensée à ces visions, à moins que le Très-Haut ne vous les envoie lui-même. »

Mais, répétons-le bien, pour éviter tout malentendu : en même temps qu’elle condamne les fausses visions et les songes des méchants, la Bible nous apprend qu’il y a des visions vraies et envoyées par le Très-Haut. Aussi, la loi de Moïse permettait-elle de s’adresser à Dieu par l’entremise des prophètes pour avoir l’interprétation des songes venant du ciel. Par ce moyen, l’onéirocritie était maintenue dans de sages limites, qui soustrayaient le peuple aux dangers que pouvait lui faire courir l’exploitation du charlatanisme. Le Deutéronome va jusqu’à édicter la peine de mort contre les faux prophètes qui débitent des songes et prédisent des choses extraordinaires et prodigieuses.

Moïse admettait donc une espèce d’onéirocritie, l’onéirocritie de révélation divine, dont l’interprétation rentrait dans les attributions sacrées des lévites et du grand-prêtre. Cependant, malgré le sage règlement de Moïse, l’Onéirocritie mensongère trouvait encore des adeptes dans Israël, et florissait du vivant d’Isaïe, qui reprochait à ses contemporains de passer les nuits dans des cavernes et d’aller coucher dans les sépulcres, pour y recevoir dans leur sommeil des révélations de l’avenir.

Il est inutile d’énumérer tous les songes merveilleux racontés par la Bible ; le songe de Jacob, ceux dont Joseph et Daniel furent les interprètes, sont dans toutes les mémoires. Le Nouveau Testament nous fournit aussi plusieurs exemples de ces songes ayant une signification prophétique, et une origine vraiment divine, Outre celui que nous avons déjà cité, ce fut encore en songe qu’un ange conseilla à Joseph de se retirer en Égypte pour échapper à la proscription d’Hérode, et que les Mages reçurent les instructions qui devaient diriger leur itinéraire. Les Actes des Apôtres racontent comment saint Paul n’entreprit son voyage en Macédoine que pour obéir aux sollicitations d’un macédonien. L’Apocalypse n’est, en quelque sorte, qu’un songe merveilleux, une vision sublime, où Dieu révèle à saint Jean les mystères du monde surnaturel et ouvre à son esprit le livre des destinées.

Il n’est donc point étonnant que l’Église chrétienne des premiers siècles, se fondant sur cet enseignement de la Bible, ait considéré, sous les réserves