Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/405

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même d’éclipser la vive lumière qui nous éclaire. Les basses et jalouses rivalités, filles inquiètes et présomptueuses des serpents de l’envie, ne siffleront pas sur nos têtes ; heureux les uns par les autres, nous coopèrerons au but moral qui nous rassemble. Quant à vous, Sœurs aimables, affermies sans cesse dans les principes de l’amitié désintéressée, de la pure amitié, vous n’aurez pas les mêmes dangers à courir. Vit-on jamais, d’ailleurs, naître des rivalités entre Vénus et les Grâces ?

« Ce tableau de l’amitié désintéressée, de la simple amitié entre les deux sexes, bien compris, les efforts qu’il doit en coûter pour suivre ses lois, la possibilité d’y réussir, que nous préconisons, n’a pu nuire, s’il n’a pas donné une nouvelle énergie, à cette vérité éternelle qui vous a été annoncée, que de la réunion des deux sexes nait le bonheur commun. Nous y trouvons, de plus, un avantage réel pour la Franc-Maçonnerie, dont nous faisons profession ; cet avantage, développé, peut nous acquitter, envers les Sœurs récipiendaires, de l’instruction que nous leur devions.

« Il existe une vérité physique, réduite en axiome, qui peut nous servir à établir la preuve de l’avantage réel qui doit résulter de cette réunion fraternelle, non seulement pour la partie théorique et spéculative, mais plus encore pour la partie pratique et essentielle de la morale maçonnique. Deux forces, dit l’axiome vis unita sit fortior, soit pour pénétrer la résistance des corps, soit pour en soutenir le poids, en sont plus actives, plus robustes, dans leur parfait et strict assemblage ; ainsi il est facile de concevoir qu’elles viendront plus aisément à bout, toutes deux, de ce qu’elles n’auraient pu exécuter l’une sans l’autre ; ou, du moins, l’emploi qu’elles feront de leurs moyens, sera plus puissant, plus prompt et plus efficace.

« Nous trouvons l’application de ce principe et de sa conséquence dans le caractère de Maçonnes, Sœurs récipiendaires, qui vient de vous être conféré ; ce caractère indélébile s’amalgame avec celui que nous avons reçu nous-mêmes, sur la promesse de suivre les obligations que cet Ordre respectable nous impose. Engagées aujourd’hui, par un serment solennel, à nous aider à en soutenir le fardeau, il devient plus léger, en se prêtant d’un effort égal, à le porter ensemble.

« Cessez de vous effrayer, chères Sœurs ; ce fardeau n’est pas au-dessus de vos forces. La délicatesse de vos organes est peut-être plus propre à l’aller chercher dans le sentier étroit de la vertu, sentier que nous tâcherons toujours de vous parsemer de fleurs ; elle y est, dis-je, peut-être plus propre que la prétendue force dont nous nous targuons, et qui nous porte à une constance opiniâtre, quoiqu’elle ne soit pas toujours victorieuse.

« Mais, afin de ne pas laisser plus longtemps en suspens le désir, qui éclate déjà dans vos regards, d’en connaître le genre méritoire, apprenez quelles sont nos obligations communes.

« Vous ne vous êtes pas sans doute imaginé que le plaisir de la société fût le seul attrait de nos assemblées : une jouissance plus suave, un intérêt plus vif les président ; la discrétion, à la bouche toujours close, aux oreilles ouvertes et attentives, y conduit par la main la confiance au front serein. Le bonheur de l’humanité, les secours dus à l’indigence, le crédit qu’on oppose à sa ruine totale, les ménagements scrupuleux pour ne pas blesser sa délicatesse, pour lui rendre l’aisance qu’elle mérite et éviter, quand il est impossible de la secourir,