Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/406

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l’humiliation d’avoir découvert sa misère ; telles sont nos occupations principales, tel est le résultat de la confédération maçonnique.

« Reste encore, sans doute, plus d’une autre vertu sociale à pratiquer, parmi lesquelles le plus grand avantage que je découvre dans l’exercice de nos facultés, c’est de nous fournir les moyens d’étendre notre bienveillance, et les occasions de répandre nos bienfaits, plus qu’il n’appartient aux êtres d’un ordre inférieur. La générosité compatissante est de ce nombre ; elle conduit celui qui fait le bien à la douce illusion de la plus noble et de la plus pure des jouissances, illusion qui le place au plus haut degré du bonheur, qui l’élève au rang des puissances de la terre et l’assimile, en quelque sorte, à la divinité.

« En faisant le bonheur de ceux qu’elle a choisis pour être l’heureux objet de ses complaisances, la bienfaisance ressemble à ce chêne élevé, respecté par des temps, dont la cime se perd dans les cieux, dont les rameaux, utilement multipliés par les mains de la nature, portent, sous leur ombrage épais, la fraicheur et la tranquillité ; qui, plus il est élevé, à la vérité, plus il est exposé à la tempête et aux éclats de la foudre ; mais qui se trouve, s’il en est frappé, trop heureux d’avoir abrité les voyageurs effrayés, d’avoir préservé surtout ce qui se trouvait au-dessous de lui et se reposait à l’ombre de sa protection.

« Je ne sais trop pourquoi, en voulant peindre sous leurs vraies couleurs les charmes naturels des vertus sociales et maçonniques, l’idée de la générosité et de la bienfaisance ne se reproduit jamais sans séduire tous les cœurs, et sans nous avertir nous-mêmes qu’il est difficile de s’abstenir de leur éloge aussi souvent que cette idée se présente dans le discours ou à la réflexion. Mais, afin d’éviter l’ennui d’une énumération nombreuse, revenons, chères Sœurs, à la dernière de vos obligations.

« Vous me pressentez déjà. Vous reconnaissez d’avance cette divinité, qui range tous les hommes dans une même classe ; qui, sans égard pour les qualités plus ou moins grandes de l’esprit, ni pour les perfections plus ou moins combinées de la beauté, sans considération déterminée ni absolue pour l’élévation des rangs et les distinctions politiques, les yeux seulement fixés sur les élans du cœur, digne objet de ses préférences et de ses soins; qui enchaîne à ses pieds l’orgueil de la naissance et la trop haute opinion de soi-même ; cette divinité, qui a su ne les mesurer, ces hommes, qu’au poids de leurs vertus. À ces traits, vous reconnaissez sans peine la douce égalité, mère du bonheur, dont jouissent les vrais enfants de la lumière : et voilà quels sont nos devoirs et nos plaisirs.

« L’association à laquelle nous vous admettons vous rend désormais tributaires de l’Ordre maçonnique, pour qu’il en résulte un avantage réel… Dans la société privée, aimables Sœurs, vous pétrissez le levain de nos âmes ; par la douceur insinuante, par la flexibilité du caractère, vous adoucissez les amertumes de la vie. Que n’avons-nous donc pas lieu d’espérer de votre constance, dans une société particulière, qui n’a pour base que l’humanité et la bienfaisance, vous qui êtes si bien organisées pour le sentiment !… Ce que l’esprit a peine à découvrir, votre cœur l’a déjà senti.

« Ainsi, vous nous servirez de guides ; vous encouragerez nos travaux, en les partageant ; ou plutôt, comme ces anciens et preux chevaliers, en qui la galanterie et l’amour des dames était l’âme de leurs prouesses et de leur courage, nous vous ferons sans cesse hommage de notre loyauté. Dans nos tournois