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« Rappelons-nous, mes frères, que la Maçonnerie n’a pas constitué un corps d’individus vivant aux dépens des autres. Ces mendiants, qui font de leur misère un métier, oseraient-ils avouer dans quel but ils se sont fait recevoir ? Ils viennent audacieusement vous imposer leur détresse. Cette lèpre hideuse de la Maçonnerie, en France, démontre la coupable négligence des Loges, et surtout de celles de Paris. « Ne présentez jamais dans l’Ordre, disait avec raison le Frère Beurnonville (grand-maitre-adjoint du Grand-Orient) au Frère Roëttiers de Montaleau, que des hommes qui peuvent vous donner la main, et non vous la tendre. » (Cours philosophique et interprétatif des Initiations anciennes et modernes, page 368).

Répliquera-t-on que c’est là encore une opinion isolée ?

Ouvrons alors les Règlements Généraux du Grand Orient de France, et ceux du Rite Écossais, et lisons :

Rite Français. « Article 258. Les Loges doivent rigoureusement s’abstenir d’initier les profanes qui ne pourraient pas supporter les charges de l’Ordre. »

Rite Écossais. « Article 326. Les Loges ne doivent procéder à l’initiation d’aucun profane dont la position sociale serait un obstacle à ce qu’il pût supporter les charges imposées par les Règlements particuliers ou généraux. »

Non, la franc-maçonnerie n’exerce pas, si ce n’est tout-à-fait exceptionnellement, la charité envers ses membres malheureux ; cela est si vrai, qu’en 1885 quelques frères de l’orient de Paris s’unirent entre eux pour fonder, à côté des loges, une association dont le titre à lui seul est caractéristique : Société de secours mutuels des Francs-Maçons. Cette sociétés, qui, par le seul fait de la nécessité de sa constitution, prouve péremptoirement qu’au sein des ateliers maçonniques on ne se secourt pas les uns les autres en cas d’indigence, était due à l’initiative des FF∴ Duhazé, 78, rue Vieille-du-Temple, Édouard Bézier, 11, rue Pétel, et docteur Mook, 46, rue de la Chapelle[1]

D’autre part, c’est un fait reconnu, public, que la Maçonnerie, en France, n’a jamais créé un hospice, et que l’on ne saurait citer une loge française quelconque ayant fondé seulement un lit d’hôpital ; il est donc indiscutable que l’Ordre maçonnique n’est en aucune façon bienfaisant, dans le seul vrai sens du mot, à l’égard des profanes, et, bien plus, que la pratique de da charité, c’est-à-dire le soulagement de la misère par des aumônes ou d’autres secours, ne s’exerce en aucune façon au sein des loges, pas même en faveur des adeptes initiés.

  1. Cette généreuse initiative fait honneur à ces trois frères ; mais je ne dois pas moins en prendre acte à l’appui de mes explications. On ne greffe pas une société de secours mutuels sur une association de fraternité charitable