Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/450

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qu’il pût acquérir l’influence dont nous le voyons jouir vers 1762[1], mais à titre de juif converti, de juif devenu catholique, et professant extérieurement pour le catholicisme la foi la plus entière, la plus enthousiaste. À l’entendre, il n’est, l’hypocrite, qu’un émule de Mme Guyon, un disciple de Fénelon et des grands mystiques chrétiens ; derrière ce masque se cachait l’orgueil et l’ambition du sectaire, l’adepte des doctrines et des pratiques occultes qu’il avait à cœur d’implanter, avec les hauts grades, parmi les sectateurs de la franc-maçonnerie. Il rêvait de devenir le grand hiérophante des sociétés secrètes.

Une partie de sa doctrine, mais seulement la partie la plus exotérique, nous est connue par un traité manuscrit, de 355 pages in-4o dont une partie a été publiée par Ad. Franck en 1866[2], intitulé : Traité sur la réintégration des êtres dans leurs premières propriétés, vertus et puissances spirituelles et divines, par Martinez de Pasqualitz.

On y retrouve, exposés en assez mauvais français, les grands principes de la cabale sur l’origine des êtres par voie d’émanation, la chute de ces mêmes êtres provenant non plus du péché originel, mais d’une déchéance nécessaire, effet naturel de la naissance même des choses finies, naissance qui les éloigne de l’être infini, de l’existence souveraine et parfaite avec laquelle elles étaient primitivement confondues.

L’intelligence humaine, ainsi séparée de son principe, l’esprit universel, aspire à y remonter à s’y réintégrer dans son premier état tout spirituel et divin : elle ne peut y parvenir qu’en anéantissant ce qu’il y a de fini et d’imparfait en elle, par la destruction de la conscience et de la volonté individuelle ; mais surtout au moyen des communications surnaturelles avec les esprits supérieurs. Grâce à ces communications, « chacun de nous peut s’élever au degré où est parvenu Jésus-Christ, devenir comme lui, Fils de Dieu, Dieu même. »

On le voit, il n’y a plus rien de commun entre une pareille doctrine, profondément empreinte du plus pur panthéisme, et la doctrine mosaïque-et catholique de la création, de la chute et de la régénération par Jésus-Christ. Jésus-Christ n’est plus que le Jésus de Renan, un homme supérieur, dont la réintégration doit servir de modèle à la nôtre. C’est là, non plus de la bonne cabale, car il y a eu d’abord une bonne cabale ou kabbale, c’est-à-dire, comme l’indique le sens du mot hébreu, une tradition orthodoxe en accord

  1. Malgré l’ostracisme dont ils étaient l’objet, quelques juifs étaient parvenus à se glisser dans les loges au dix-huitième siècle. L’abbé Larudan, l’auteur de l’ouvrage anonyme : les Francs-Maçons écrasés (1747), affirme en avoir vu recevoir trois dans une loge de Londres. On leur fit prêter serment sur l’Évangile de saint Jean, en signe probablement de leur abjuration du judaïsme. — Vers 1750, les loges de Bordeaux décidèrent de ne pas recevoir les juifs, même maçons réguliers, ni comme visiteurs, ni à aucun autre titre.
  2. A. Franck : La philosophie mystique à la fin du XVIIIe siècle. 1866.