Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/451

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avec l’enseignement de Moïse et des prophètes, mais une mauvaise, une détestable cabale, telle que la définit très bien l’abbé Lémann :

« À partir du crime du Golgotha et de la dispersion du peuple juif, la Kabbale s’altère et devient ce que le Talmud appelle vinaigre fils du vin… Elle s’occupe de théurgie, de goétie, de magie ; et c’est là que se trouvent principalement les mystères et les secrets de la Kabbale : procédés bizarres, serments terribles, symboles sinistres, empruntés non seulement à la Judée infidèle, mais à la Perse, à l’Inde, à l’Égypte, à la Chaldée. En recéleuse perfide, cette Kabbale admet également des formules et des opérations haineuses contre la religion chrétienne et les chrétiens[1]. »

Ajoutons que, comme son maitre Satan, la cabale sait au besoin affecter des apparences chrétiennes et saintes. C’est le cas du traité de Martinez. Le grand danger de pareils ouvrages est de laisser croire qu’ils ne sont que le commentaire des textes sacrés, qu’ils invoquent seuls : c’est le danger de bien des ouvrages de nos jours, qui, semblables au traité de Martinez, peuvent égarer le lecteur, sous présente d’exégèse biblique, dans tous les sentiers détournés de la nouvelle cabale qui vient d’être définie.

À cet enseignement dogmatique, Martinez Pasqualis rattachait un enseignement pratique, une théurgie et une magie, qui consistait surtout dans des opérations cabalistiques mettant l’esprit mineur (terrestre) en communication directe avec les esprits majeurs (supérieurs).

D’après le peu que l’on sait de sa vie, on peut dire que peu d’initiateurs ont su s’envelopper mieux par lui de prestige et de mystère. Tout ce qui en a transpiré nous est venu de ses disciples, et encore à l’état de notions vagues et flottantes, enveloppées d’hésitations et de réticences. Peu d’adeptes, du reste, furent jugés dignes par le maître d’être admis à la suprême initiation, au dernier mot du mystère. Saint-Martin lui-même, le plus connu et le plus illustre de ses disciples, ne put arriver à cette dernière illumination.

« Martinez, dit-il, avait la clef active de tout ce que notre chef Bœhme expose dans ses théories ; mais il ne nous croyait pas en état de porter ces hautes vérités. »

Et il ajoute, ce qui jette un certain jour sur la nature de cette initiation finale, qui ne pouvait être que l’évocation du chef des esprits majeurs, de Satan lui-même :

« Il croyait aussi à la résipiscence de l’être pervers, à laquelle le premier homme (l’Adam-Kadmon de la kabbale) aurait été chargé de travailler. »

L’illuminé de Martinez devait continuer, dans la mesure de ses forces, à travailler à cette résipiscence ou restauration de la divinité satanique. Cette

  1. L’abbé Joseph Lémann : L’entrée des Israélites dans la Société Française, page 347.