Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/55

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« L’action de songer ayant ordinairement pour cause la maladie, le chagrin, une inquiétude profonde ou une secousse violente de l’esprit, et beaucoup d’hommes étant en repos de l’esprit et du corps, il était impossible de compter sur un songe personnel ; de là, nécessité de consulter ceux qui avaient la faculté de voir, en songe, les affections des autres.

« L’expérience ayant appris que le songe pouvait être sollicité, amené, par des frictions, des attouchements, des préparations, etc., le songe naturel ne fut plus le seul, et tous les songes utiles étaient regardés comme un présent de la divinité ; on allait, dans les temples, au pied des autels demander à songer ; puis, enfin, pour ceux qui ne pouvaient pas y parvenir, il y eut des prêtres songeurs (qui entraient en rapport magnétique avec eux). De là, trois espèces de songes : 1° songes naturels ; 2° songes demandés et obtenus dans les temples ; 3° songes reçus de prêtres songeurs, appelés, par cette raison, oracles en songes.

« On sait que Socrate eut un songe dans sa prison, trois jours avant sa mort ; que l’Arcadien de Mégare était couché chez un de ses amis, quand il songea à son ami couché et assassiné dans une hôtellerie ; que Quintus était chez lui, en Asie, quand il vit, en dormant, Cicéron qui tombait dans un fleuve ; et que Cicéron lui-même était à sa maison d’Atina, lorsqu’il fut informé par un songe de ce qui se passait à Rome à son sujet. Ajoutons que, naguère encore, les guerriers de l’Amérique méridionale n’auraient pas osé livrer une bataille décisive, sans avoir consulté les songes d’hommes accrédités.

« Il faut distinguer le songe du rêve ; le songe est une vision de l’âme pendant le sommeil du corps ; le rêve n’est ordinairement, dans le cerveau, qu’un rappel incohérent d’un travail fait dans l’état de veille. Un songeur était chez les anciens un homme vénéré ; un rêveur ne le fut jamais. »

C’est tout, et c’est bien peu de chose. Mais il importe de se rappeler que le F∴ Ragon professe une admiration sans borne pour l’antiquité païenne, et ses quelques lignes, que je viens de reproduire, invitent, sans en avoir l’air, l’initié à imiter les anciens pour avoir ces songes, tenus avec tant de soin en dehors des rêves, c’est-à-dire à prier la divinité (?) qui a pouvoir de les donner. Et si la divinité ne les envoie pas à l’initié solliciteur, celui-ci devra se mettre en rapport magnétique (?) avec un prêtre du magisme évocateur, en d’autres termes, avec un Mage Élu, qui aura pour lui le songe désiré et le lui expliquera.

Mais, quand nous en serons aux 9e et 11e parties (Goétie et Théurgie), je montrerai alors comment opèrent les prêtres du diable. Pour le moment, fidèle au plan que je me suis tracé et qui consiste à faire étudier méthodiquement le satanisme contemporain, je ne dois pas sortir des charlatans vulgaires, avec lesquels, du reste, j’en ai fini.