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Cela, c’est le vieux jeu, c’est le pendant de la fameuse recette du poison à confectionner avec des vipères, des aspics et un gros crapaud.

Aujourd’hui, l’on n’en est plus là chez les sectateurs de Lucif. On l’invoque avant de s’endormir. On lui dit une prière du soir ; car les fidèles de la magie diabolique ont leur prière du soir, comme le chrétien fervent qui, avant de se mettre au lit, récite son Pater et son Ave Maria.

Le vieux luciférien Ragon, maçon des hauts grades, se garde bien de publier, dans ses livres, ces oraisons dont la connaissance est réservée aux parfaits initiés, seuls autorisés à prendre copie des manuscrits secrets. Mais, dans son livre sur la Maçonnerie occulte, il laisse échapper un aveu qui, s’appliquant à tous les ouvrages de magie en général, peut être retenu à bon droit pour ce qui concerne les traités de divination ayant pour auteurs des occultistes de l’école de Charleston.

Parlant de Cornélius Agrippa, l’auteur sacré de la secte en France s’exprime ainsi (page 443) :

« Peu de personnes ont compris son traité de Philosophie occulte ; car il y avait une clef qu’il réservait pour ses amis du premier ordre (19 épist., livre V).

« Il a dit, avec raison, que tout ce que les livres apprennent touchant la vertu du magisme, de l’astrologie, de l’alchimie, est faux et trompeur, quand on l’entend à la lettre ; qu’il y faut chercher le sens mystique, sens qu’aucun des maitres n’avait encore développé. »

Et c’est là, en effet, le secret de tous ces ouvrages abominables. Ignorez que, lorsqu’un auteur-mage vous parle de Dieu, du vrai Dieu, du Dieu bien compris, c’est de Lucifer qu’il parle, et, en parcourant ces pages en apparence confuses, ces phrases énigmatiques, vous croirez avoir sous les yeux l’œuvre d’un homme égaré ne sachant pas ce qu’il veut dire, vous y perdrez votre latin et votre grec. Au contraire, ayez la clef, connaissez le secret des secrets, relisez attentivement, en pesant tous les mots, et vous comprendrez tout.

Voici ce que le F∴ Ragon dit au sujet des songes, dans une note, au cours de son chapitre sur la divination :

« Les songes étant un résultat, une affection commune de l’âme et du corps, chacun, généralement parlant, pouvait avoir des songes ; mais de même que l’intelligence[1] est l’apanage de l’humanité, et que certains hommes avec peu d’esprit sont mieux partagés du côté du corps, il y en avait aussi que leur tempérament portait à avoir souvent des songes et d’autres qui n’en avaient pas.

  1. Intelligence veut dire lecture intérieure ; où l’intelligence peut-elle lire, si ce n’est dans la mémoire, livre miraculeux, magique, qui, en quelques feuillets, renferme les empreintes de toutes nos sensations et de leurs rapports innombrables ? (Note de Ragon.)