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Quoiqu’il en soit, à cette réponse, un tremblement horrible saisit le fils de Catherine, ses bras se raidirent. Il cria d’une voix rauque :

— Éloignez cette tête ! éloignez cette tête !

Et jusqu’à son dernier soupir on ne l’entendit plus dire autre chose.

Ceux qui le servaient et qui n’étaient pas dans la confidence de cet affreux mystère, crurent qu’il était poursuivi par le fantôme de Coligny, et qu’il croyait revoir devant lui la tête de l’amiral.

Si cet épisode peu connu est vrai, il prouverait une fois de plus que les appels au diable, même en les accompagnant d’un crime pour lui complaire, ne réussissent pas à procurer un avantage au coupable. Ou le diable trompe ses fidèles, ou il est obligé d’avouer son impuissance.

Parmi les crimes d’anthropomancie consommés au xixe siècle, il convient de noter celui qui a été commis au cours et comme conclusion de l’assassinat de William Morgan, en 1826, aux États-Unis d’Amérique.

Je n’entrerai pas dans les détails de cette épouvantable affaire ; elle a été assez bien résumée par le New-York Herald, à qui l’on doit savoir gré de son enquête à ce sujet, enquête qui a duré d’août 1875 à juillet 1881 et qui s’est terminée par l’érection d’une statue à la victime, grâce aux souscriptions des abonnés du grand journal américain. Plusieurs auteurs antimaçonniques ont rapporté en des récits intéressants tout ce que le New-York Hérald avait pu découvrir[1]. Mais il convient de dire que la lumière complète ne pourra être faite qu’à la condition de publier les 300 et quelques pages consacrées à la procédure secrète contre William Morgan dans le Registre n° X du Livre d’Or de Charleston (archives du Rite Écossais). En effet, c’est là seulement qu’existe la copie des pièces authentiques de l’affaire, sous le titre : « Procédure extraordinaire suivie sur la plainte de la Loge le Rameau d’Olivier, de Batavia (New-York), et après l’avis d’urgence donné par le Parfait Conseil de Rochester. »

William Morgan était un grand coupable aux yeux de la franc-maçonnerie. Il fut le premier qui publia, pour l’édification du public profane, les rituels de l’Écossisme. Freemasonry exposed and explained (la Franc-Maçonnerie exposée et expliquée), tel est le titre de l’ouvrage qu’il fit paraître à New-York et qui jeta les sectaires dans une véritable fureur.

Où sait quels pièges lui furent tendus, comment il en évita plusieurs ; on sait que ses ennemis le firent arrêter d’abord pour vol, mais que son innocence fut reconnue, puis qu’ils obtinrent une seconde fois son incarcération pour dettes, au moyen de titres de créance faux, présentés par un frère nommé David Jackson ; on sait enfin qu’il fut délivré par un certain Loton Lawson, qui se déclarait depuis longtemps un de ses admirateurs

  1. Voir, notamment, l’ouvrage intitulé Les Assassinats Maçonniques, par MM. Léo Taxil et Paul Verdun : chap. vii, William Morgan.