Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/85

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aussi, tandis que le grand Cophte dit à la jeune luciférienne qualifiée de colombe : Dis-leur que je les aime et les aimerai toujours. Puis, tout disparaît, et Cagliostro se retrouve à Paris.

Est-ce que tout cela n’est pas vraiment satanique ? Et qui pourrait blâmer le tribunal du Saint-Office d’avoir condamné le magicien à mort ?

Voilà quelles étaient les œuvres, les « opérations » de Cagliostro. Son commerce avec le diable est certain. Il a été l’instrument volontaire de Satan, son dévoué représentant sur terre, le prédécesseur d’Albert Pike et d’Adriano Lemmi.

On sait que, chez les occultistes, on se plaît à évoquer les personnages bibliques et même certains saints ; ainsi les démons vont jusqu’à emprunter la figure des patriarches, des prophètes et des saints de Dieu, pour mieux tromper leurs dupes. Mais on sait aussi que, chaque fois que des occultistes, franchissant toutes les limites de l’audace, ont osé évoquer le Christ, jamais il n’est apparu, ce qui revient à dire que Dieu ne tolère pas que le diable aille jusqu’à prendre la forme du Verbe incarné. Et les francs-maçons, qui ont l’audace de mêler le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ à leurs abominables mystères, en sont réduits à le faire figurer dans des peintures ou des gravures, comme l’a fait, par exemple, le F∴ Clavel, pour le frontispice de son Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie. Voir la reproduction de ce frontispice (page 81), où notre Divin Maitre est représenté en franc-maçon, faisant le signe d’ordre au grade d’Apprenti.

Même, si l’on ne connaissait pas, par la renommée, les prestiges de Cagliostro, il serait impossible de se méprendre sur le caractère satanique de ce qu’il appelait « sa mission sur terre ».

Il faisait, pour son rite, des choix dans les loges, exactement comme les palladistes d’aujourd’hui procèdent. Il avait une légion d’agents inconnus, qui observaient attentivement les membres des ateliers de la maçonnerie ordinaire et recrutaient ceux qui paraissaient bons pour les arrière-loges égyptiennes.

Lors de l’initiation, on donnait à l’adepte à choisir entre un tas d’or et une épée, qui étaient sur une table. Dans le discours de circonstance, le président flétrissait l’or, corrupteur des hommes, et proclamait avec enthousiasme que l’épée seule donnerait l’égalité ; aussi le récipiendaire choisissait-il l’épée avec empressement. Alors, une draperie rouge était entr’ouverte, et le néophyte apercevait un autel, où figurait un Christ représenté grotesque, cloué sur la croix. « Jure, disait le président au nouvel initié ; jure, au pied de cette croix, qui te révèle comment meurent les traîtres, jure haine aux trônes et aux usurpateurs de la terre ! » Le serment de l’adepte, écrit sur un parchemin et signé avec du sang tiré de son bras gauche par une légère piqûre, était jeté sur un brasier par le président, avec cette sentence comminatoire : « Si tu