Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/90

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nales, Dieu humiliant ainsi son orgueil et l’obligeant à reconnaitre qu’il ne peut rien sans sa permission. Le diable qui est autorisé à conférer avec Lemmi est le sire Sybacco, démon de peu d’importance, comme le sire Beffabuc, l’ami et conseiller de Pessina, autre grand-maitre italien.

Sybacco apparait à Lemmi dans les grandes occasions, mais chez lui, et non au Suprême Conseil. Il a trois yeux, dont un au milieu du front ; ses oreilles sont pointues et plantées au sommet du crâne, tandis qu’il a deux cornes de bélier plantées à l’endroit où les oreilles se trouvent sur une tête humaine ; sa bouche est très large et sans dents. Il est de haute stature, poilu comme un orang-outang, et ses pieds, palmés et immenses, font l’effet de monstrueuses pattes d’oie ; au lieu d’avoir des ailes dans le dos, il les a fixées à la partie supérieure du bras. Lemmi n’a jamais décrit comment est son démon familier ; mais Albert Pike, dans son Livre des Révélations, parle de Sybacco et de quelques-uns de ses hauts faits, il le cite comme esprit du, feu opérant spécialement en Italie, et il en détaille le portrait plus longuement même que je viens de le faire. Or, d’autre part, j’ai eu communication d’un document palladique où Lemmi s’exprime ainsi : « Après avoir consulté le génie Sybacco, que l’Être Suprême a daigné commettre à la garde de ma personne et qui n’a jamais manqué de répondre à mon appel », etc. Il ne saurait donc y avoir erreur sur l’identité du démon familier du grand-maître de Rome.

C’est évidemment sous l’inspiration de ce diable ami que le banquier de la via Nazionale se livre à ses calculs d’astrologie ; car c’est là une des distractions favorites de Lemmi. Quand il est las des chiffres relatifs à ses opérations financières, alors qu’il a le cœur joyeux à la pensée des bénéfices plus ou moins frauduleux réalisés par l’agiotage ou les pots-de-vin, il s’enferme, après diner, dans son cabinet de travail du deuxième étage du palais Pascucci, et il pioche un horoscope quelconque, généralement celui d’un personnage en vue, à lui sympathique ou antipathique, ami ou adversaire. Il s’imagine qu’il découvrira ainsi la destinée de l’homme qui pour le moment l’intéresse.

Il fit, de la sorte, l’horoscope de Léon XIII, au lendemain de la publication de l’encyclique Humanum Genus.

À ce seul titre, c’est un document curieux, et je crois qu’on ne m’en voudra pas de le reproduire. Point n’est besoin de dire qu’il n’y a lieu d’attacher aucune importance aux prétendues découvertes d’Adriano sur la vie passée et future du Souverain Pontife. J’ai même le devoir de rappeler, en y insistant, que, l’avenir étant expressément réservé à Dieu seul, toute cette fantaisie diabolique est, d’un bout à l’autre, un gros mensonge, habilement combiné par le démon pour ce qui concerne le passé et audacieusement inventé pour ce qui a trait à l’avenir. Quant aux termes irrespectueux