Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/155

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communique la vie et ne la reçoit point, qui occupe la place la plus élevée dans la hauteur la plus sublime, c’est le Bythos, la Profondeur ; il est l’infini, l’immense, le seul éternel, l’invisible et incompréhensible, l’absolu.

Être Suprême, le Bythos s’est manifesté par trois projections successives d’éons, mot qui, dans le jargon sectaire, désigne les prétendues émanations divines, lesquelles sont tout autant d’attributs hypostasiés de l’Absolu. Ces émanations de la divinité ont un lien par couples ou syzygies. La première projection ou premier degré de l’émanation divine comprend huit éons ; la seconde projection, dix éons ; et la troisième, douze ; total, trente éons, qui constituent le plérôme, la plénitude.

Le Bythos a donc engendré Sigé (le Silence) qui, étant sa fille, créée spontanément par sa seule volonté, est devenue son épouse ; et le Bythos et la Sigé s’unissant, premier couple divin, ont engendré Nous (l’Intelligence), qui, dans le gnosticisme, joue le rôle de Dieu le Père, et Aléthéïa (la Vérité). Nous et Aléthéïa forment ainsi la seconde syzygie ; à leur tour, ils ont engendré le Logos (Dieu le Verbe), 5e éon, et Zoé (la Vie), 6e éon. Ceux-ci ont engendré d’abord l’Anthropos (l’Homme) et l’Ecclesia (l’Église), 7e et 8e éons. Ainsi est composée la divine Ogdoade ou huitaine, premier degré du plérome.

Le Verbe et la Vie, chargés par le Bythos d’émaner la divinité en une seconde projection d’éons, ont engendré la divine Décade ou dizaine, second degré du plérome, laquelle se compose de cinq syzygies : le Profond, 9e éon, et la Miction, 10e éon ; Celui qui ne vieillit pas, 11e éon, et l’Union, 12e éon ; Celui qui vit de lui-même, 13e éon, et la Suavité, 14e éon ; l’Immobile et la Combinaison, 15e et 16e éons ; le Fils Unique et la Félicité, 17e et 18e éons.

Le troisième degré du plérome est constitué en divine Dodécade ou douzaine, c’est-à-dire six syzygies ou couples d’éons, lesquels ont été engendrés par l’Homme et l’Église, chargés par le Bythos de faire cette nouvelle émanation de la divinité ; le Consolateur, 17e éon, et la Foi, 20e éon ; le Paternel, 21e éon, et l’Espérance, 22e éon ; le Maternel, 23e éon, et la Charité, 24e éon ; l’Éloge, 25e éon, et la Prudence, 26e éon ; l’Ecclésiastique. 27e éon, et la Béatitude, 28e éon, le Parfait ou Télétos, 29e éon, et la Sagesse ou Sophia, 30e éon.

Tel est le plérome. À Sophia se termine la nature divine, et ce « terme » lui-même est un éon, surnommé Horos (la Limite) qui enferme toute la substance de Dieu, sans être dieu.

Toutefois, le plérome ne resta pas dans son intégrité. De tous les éons, le troisième, Nous (l’Intelligence), était seul à connaître Bythos, le père suprême, et il aurait bien voulu le faire connaître aux autres éons ; mais Sigé, sa mère, le lui défendit et l’en empêcha. Or, la tentative de Nous avait allumé chez tous les éons le désir de parvenir à la connaissance de l’Ab-