Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/156

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solu Bythos. C’est alors que le dernier éon de la dodécade, le plus éloigné du père suprême, et par conséquent le moins pur, la Sophia, consumée du désir de se réunir à l’Absolu, de la passion de le connaître, s’élança hors de sa sphère, abandonnant son époux Télétos, et essaya d’approfondir la Profondeur. Mais elle avait voulu l’impossible ; elle ne put parvenir au père suprême et le résultat de son exploration de l’infini insondable fut que, sans la coopération d’aucun éon, elle donna naissance à un fruit abortif, imparfait, sans forme. Néanmoins, le Bythos, miséricordieux et désireux de rétablir l’ordre du plérome troublé par la tentative de la Sophia, lui envoya Horos, qui la ramena à sa sphère, la restitua à son époux Télétos, et rejeta, hors du plérome qu’il infectait, l’avorton né accidentellement. Celui-ci tomba dans le Kénome (le Fumier du plérome) ; c’est la matière informe, parce qu’aucun principe mâle n’avait contribué à l’engendrer.

D’autre part, Nous, tout seul, c’est-à-dire sans le concours de sa conjointe Aléthéïa, émana une nouvelle syzygie, un seizième couple d’éons : Christos (le Christ), 31e éon, masculin, et Pneuma-Hagion (le Saint-Esprit), 32e éon, féminin. Et ceux-ci, qui pourtant ne sont pas dieux dans le système gnostique, expliquèrent aux autres éons le mystère des déploiements de l’Être suprême, ou, pour mieux dire, leur apprirent que le Bythos est incompréhensible et qu’ils en émanent.

Un 33e éon fut enfin créé et dans des conditions de plus en plus extraordinaires. Les éons étaient heureux d’avoir eu la révélation du mystère de leur naissance par les explications de Christos et de Pneuma-Hagion, et ils se réjouissaient de ce que la Sophia avait été délivrée par Horos et rétablie dans sa sphère ; aussi, pour marquer leur reconnaissance envers le Bythos, ils le glorifièrent en s’unissant tous ensemble dans un acte d’amour mutuel ; le résultat fut la naissance de Soter (le Sauveur) ou Jésus, 33e éon, non-dieu, puisqu’il n’était pas émané par ordre du Bythos, mais toutefois le plus parfait des éons, car il réunit en lui ce que chacun d’eux avait de plus précieux, tout ce qu’il y avait d’excellent dans leur nature. Ce nouvel et dernier éon, Jésus-Soler, premier né de la création, fut destiné à jouer dans le monde inférieur le même rôle de rédempteur et de révélateur que Christos, né de Nous (première intelligence divine), avait joué dans le monde des intelligences célestes.

Quel est donc le monde inférieur, d’après le gnosticisme valentinien ?

L’avorton de la Sophia, expulsé du plérome et rejeté par Horos dans le kénome, était, quoique sans forme ni face, un être féminin. Elle reçut le nom d’Akhamoth, que plusieurs traduisent par « Mère de la Vie ». Mgr Meurin pense qu’il faut traduire par «les Sagesses », Akhamoth étant, dit-il, une corruption de Khakhemoth, qui en hébreu est le pluriel de Khokma, sagesse (2e sephirah de la cabale). L’idée suggérée par ce pluriel, ajoute-t-il, est que