Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/211

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lui est dû, heureuse et ne faisant autour d’elle que des heureux, sera la bonne fée et la reine du, foyer, comme mère, comme épouse et comme prêtresse. Ainsi le culte rendu à la divinité se confondra avec l’amour, et, selon la nature et la logique, il est juste que la femme ait le monopole du sacerdoce, qu’elle soit la gardienne du dogme et des saintes traditions, comme elle est la gestatrice, la nourrice et l’éducatrice de l’enfant, c’est-à-dire des générations éternellement renouvelées. Ainsi sera le vrai âge d’or.

Cette doctrine étrange n’est pas affichée. Aussi, il y a quelque temps, je fus bien surpris en lisant un journal que le hasard mit entre mes mains et dont le principal article a dû étonner bien des lecteurs. Ce journal a pour titre : l’Esprit de la Femme. Cela signifie-t-il seulement que les femmes ont de l’esprit, ce que personne ne conteste, et qu’il est juste qu’elles aient un journal à elles, simplement féministe ? Je ne me prononce pas, ignorant si la rédactrice en chef, Mme Renée Marcil, — une femme très élégante, et, je crois, Vauclusienne, — est disciple d’Olympe Audouard.

Mais je ne puis m’empêcher de faire quelques remarques. Le principal article, signé de la rédactrice en chef (n° du 26 mars 1893), est intitulé La Vraie Église, et l’auteur y combat vivement un M. Paul Desjardins, qui aurait tenté, paraît-il, de fonder un néo-catholicisme.

Mme Renée Marcil, dans son programme, à elle, déclare : « étudier les problèmes sociaux, et en chercher les solutions pratiques ; combattre sans merci les préjugés politiques, philosophiques et religieux ; faire la guerre au fanatisme, à la bêtise, à l’esprit jésuitique ; indiquer quelle est la mission de la Femme, ce qu’elle est, ce qu’elle doit être dans la société renouvelée », etc.

Citons quelques passages de l’article en question :

« Où va M. Paul Desjardins ? Au protestantisme ? Non ! il paraît que là, les grandes hauteurs y sont moyennes… Le judaïsme ? horreur !… Le Bouddhisme ? Mais c’est bien vieux et bien loin ; et puis M. Paul Desjardins se déclare chrétien, et il l’est ! mais qu’il le soit alors franchement ! Dès lors, à quoi bon le pathos extraordinaire, les divagations abrutissantes qu’il nous sert ? Qu’est-ce que cette façon désinvolte de pétrir et repétrir l’argile des temples, de ravauder les étoles et les nappes d’autel, comme il prétend le faire ? De quelles mixtures sera composé son encens ?

« La Vraie Église !… On conçoit ces mots appliqués par exemple : à la religion sociale, en véritable formation, à l’Altruisme égalitaire. Mais cette vraie Église de M. Desjardins ne réforme rien ! n’innove rien ! Elle garde tout jalousement : et la confession, et le culte des saints, et le salut, et tous les ingrédients et recettes du culte actuel, et le paradis, et l’enfer, et tout le tremblement qui a tant effaré la conscience des hommes. »

Luther n’est pas trop mal vu de Mme Renée Marcil :

« Luther, au moins, était un refaiseur, sinon un constructeur de religion ; il taillait, il sapait, il marchait !… Mais qu’est-ce qu’il taille, qu’est-ce qu’il sape, le