Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/116

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aussi arracher au malfaisant Civa les âmes d’animaux, attendu que, par la métempsychose, les animaux possèdent des âmes d’humains ayant émigré en eux.

Brochant là-dessus, les spirites lucifériens de l’Inde prétendent que ce qu’ils appellent le « peresprit », — c’est-à-dire un élément aérien et sidéral constituant un second cadavre, mais celui-ci vivant, tandis que le cadavre matériel, dont il a néanmoins la forme, pourrit, — n’est autre que cette vapeur, ce gaz délétère qui se dégage des corps en putréfaction non inhumés ; et, comme c’est par centaines de mille que l’on voit errer, la nuit, des feux fouets dans la plaine de Dappah, on imagine aisément à quelles fantastiques scènes de sabbat cette superstition donne lieu.

Les Indiens sont de très bonne foi les principaux acteurs de ces jongleries macabres ; mais les francs-maçons européens, les colons anglais afliliés aux divers groupes occultistes, qui s’associent à eux et participent à ces lugubres horreurs, ne voient là qu’un prétexte nouveau pour rendre à Lucifer un culte exécrable ; car, le lecteur ne l’a point oublié sans doute, ils insinuent aux Indiens endoctrinés par eux que Brahma ne fait qu’un avec Lucifer et que Civa est l’Adonaï des catholiques, prêché par les missionnaires comme étant le seul et unique dieu. Il s’agit donc, dans ces sabbats du satanisme indo-maçonnique, de combattre l’influence de Civa-Adonaï, qui veut, disent les sectaires, s’emparer des âmes des humains défunts.

Le frère Cresponi et moi, nous finissions de dîner, lorsqu’un garçon du restaurant vint prévenir mon collègue luciférien qu’un messager l’attendait à la porte. Nous nous levâmes, et je vis un Indien tout nu, agile et découplé, un vrai courrier, tenant à la main un long bâton de coudrier terminé par deux cornes, auxquelles pendaient deux grelots. Le messager et mon collègue échangèrent quelques mots à voix basse ; puis, le courrier repartit.

— Tout est prêt, me dit Cresponi ; nous n’avons plus qu’à nous mettre en route. Le frère Walder se rend de son côté là où nos frères sont convoqués ; il a eu l’obligeance de nous envoyer une voiture, dont le cocher, discret et sûr, sait où il faut nous conduire.

En effet, un ticka-garri était là. Cresponi fit un signe maçonnique, auquel l’autre, du haut de son siège, répondit par un signe correspondant.

— Tout se prête à la solennité à laquelle nous allons prendre part, ajouta mon collègue, reprenant la conversation avec moi, après avoir levé un instant les yeux au ciel. Le jour et l’heure sont propices ; Saturne est en conjonction avec la lune ; l’étoile Lucifer se lèvera dans trois heures. Ah ! oui, certes, nous aurons une belle solennité.