Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bonnets à trois points, si je ne devais, par préoccupation des colères des Directoires, révéler au public que ce que tout le monde sait déjà, mes lecteurs auraient alors, eux, le droit de se plaindre, et, tout compte fait, j’aime mieux déplaire à Lemmi et à Cresponi qu’à mes lecteurs.

Je publierai plus loin la correspondance édifiante entre la maçonnerie romaine et le grand chef Albert Pike, sur les moyens plus ou moins opportuns à employer pour se débarrasser de Léon XIII, au besoin par l’envahissement du Vatican et par l’assassinat ; car cette question-là a été débattue, discutée, et j’ai la bonne fortune de posséder la copie de ces lettres, qu’il serait vraiment dommage de ne pas produire au grand jour.

Cette digression terminée, j’arrive à la grande solennité satanique, à laquelle j’ai assisté, à fin octobre 1880, à Calcutta, par la gracieuse autorisation du Très Illustre, Très Éclairé et Très Sublime frère Philéas Walder (ce sont ses qualifications usuelles), et aussi par suite de ma fermeté à subir une fort désagréable épreuve pour laquelle il m’avait recommandé au frère Hobbs.



CHAPITRE VI

Le baptême du serpent.




J’ai parlé tout à l’heure de la plaine, ou, pour mieux dire, du désert de Dappah, situé presqu’aux portes de Calcutta. Deux heures de voiture seulement suffisent, en effet, pour y conduire. C’est, ai-je dit, un gigantesque ossuaire où l’on va jeter pêle-mêle les corps des hommes, les charognes des animaux, là, sur le sol. Rien n’est plus vrai, et les très nombreux crânes indiens que possède la société d’anthropologie de Paris proviennent tous de là ; c’est là que les explorateurs vont les chercher ; je pourrais citer un docteur, un de mes meilleurs amis, qui, à lui seul, en a rapporté plus de trois cents, en un seul voyage ; il en a fait don à ladite société.

Or, une superstition indienne est celle-ci : les âmes des hommes jetés ainsi à la voirie ne peuvent aller ni au séjour du Dieu Bon, ni aux abîmes du Dieu Mauvais ; elles restent là indécises, sous forme de feux follets ou de vapeurs, souffrant cruellement et attendant qu’on aille les y chercher ; c’est donc faire œuvre pie que de venir les disputer à Civa pour les donner à Brahma, le dieu par excellence, l’origine de tout, la divinité suprême ; et il ne suffit pas de se préoccuper des âmes d’hommes, il faut