Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/126

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— Sœur Saoundiroun, dit le grand-maître, c’est notre Dieu qui t’envoie pour la guérison d’un de nos frères dont l’existence est en péril. Tu vois l’infortuné (il montrait le messager). Fais ton œuvre, et nous ferons la nôtre.

La dévadase se pencha sur le messager dont le corps était couvert de blessures, et, du doigt, elle les toucha l’une après l’autre. Ensuite, elle lui souffla sur le visage. Enfin, elle cria :

— Lucif !… Lucif !… Lucif !…

Le grand-maître s’approcha d’elle, prit ses mains dans les siennes, et ils s’embrassèrent tous deux.

Elle détacha de son cou le serpent qui y était enroulé, et, le tenant un peu au-dessous de la tête, le présenta au grand-maître.

Pendant ce temps, des maîtres des cérémonies avaient apporté un vase rempli d’eau, une croix en bois, un large plateau d’argent rempli de fruits.

La croix fut immédiatement fixée, droite, sur l’estrade. Saoundiroun y accrocha son serpent. Le vase fut placé auprès du grand-maître. Quant aux fruits du plateau, la dévadase les mordit et les distribua à tous les dignitaires de l’orient, qui y mordirent à leur tour.

— Serpent, fit le grand-maître en aspergeant le reptile avec ses doigts qu’il trempait dans l’eau, serpent, au nom de Brahma-Lucif, je te baptise. Que le père de toutes choses t’accorde longue vie ; que les fils du divin père te vénèrent désormais, au lieu d’être pour toi des ennemis ; que l’esprit saint te communique tous les dons du ciel. Ainsi soit-il.

Chacun des dignitaires qui siégeaient à l’orient, le frère Walder le premier, vinrent à tour de rôle répéter cette simagrée et cette formule de baptême satanique. Et, après avoir baptisé le serpent, ils mettaient un genou en terre devant Saoundiroun, qui les embrassait sur le front ; seul, le frère Walder s’abstint de génuflexion, et il s’embrassa avec la dévadase comme le grand-maître avait fait.

Alors, Saoundiroun reprit le serpent docile qui servait à ces momeries impies ; elle le déposa sur le messager, toujours couché ; le reptile se traina, dolent, sur lui, et finalement s’enroula à son cou.

— Dieu tout-puissant, s’écria le grand-maître, tu as permis que notre frère messager fût blessé à mort par les cobras de ton sanctuaire ; daigne maintenant donner le salut à notre frère par la vertu du serpent à toi consacré par le saint baptême.

Et il ajouta :

— Prions, mes frères.

Tout le monde, y compris Walder et la dévadase, se mit à genoux, les mains tendues vers le Baphomet. On récita, dans cette posture, la prière