Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/136

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également en blocs de granit, lesquels sont au nombre de cinq, largement espacés ; c’est sur cette plate-forme qu’en présence de l’assemblée une des dévadasis lucifériennes opère sa disparition instantanée, et la table est ainsi élevée à un peu plus d’un mètre au-dessus du sol pour être la preuve qu’il n’y a aucune supercherie.

Dès que nous pénétrâmes dans le sanctuaire, le frère Hobbs me mit au courant de ce qui allait se passer.

— Vous serez témoin des merveilles surnaturelles du Palladisme, me dit-il, et vous constaterez ainsi la puissance de notre Dieu et de ses esprits. Vous allez voir disparaître devant vous, par évaporation, un être vivant. Puis, vous assisterez à la momification d’un autre être vivant, qui deviendra cadavre sans mourir, c’est-à-dire qui se transformera sous vos yeux en momie, et que nous emmurerons, pour le laisser privé de vie jusqu’au jour fixé par nos rites, pour sa résurrection, soit au bout de cinq, six, huit, dix mois, et même une ou plusieurs années.

En ce qui concerne ces deux manifestations du surnaturel, auxquelles il me fut donné ce jour-là d’assister, j’avoue que je ne crois pas avoir été victime d’une illusion ; c’est vraiment quelque chose d’absolument renversant que j’ai vu là, vu de mes yeux d’homme averti, prévenu, en pleine possession de toutes mes facultés.

Pour la disparition instantanée de la dévadase, j’en fus tellement stupéfié, que le lendemain, ayant eu l’occasion de revoir Walder, je ne pus résister au désir de lui en reparler.

— Cette opération n’est qu’un jeu pour nous, me répondit-il. Si vous venez à Charleston, vous verrez bien autre chose : ma fille, elle, se transforme à volonté en corps fluidique et passe, comme un courant d’électricité, au travers d’une muraille d’un mètre et demi d’épaisseur, laquelle est revêtue, de part et d’autre, d’un blindage d’acier.

Lorsque je me rendis plus tard à Charleston, Sophie Walder avait quitté l’Amérique ; mais je l’ai retrouvée ensuite en Europe, et je lui ai vu, en effet, exécuter cet exercice diabolique, qui déconcerte le raisonnement. J’en parlerai, du reste, avec amples détails, quand j’en serai au chapitre consacré à la fille de l’ex-pasteur.

Relativement au phénomène de la momification d’un individu, ce n’est pas, à proprement parler, une nouveauté ; il s’agit là de ce qu’on appelle « l’abiose », c’est-à-dire privation de la vie ; c’est bien en présence de témoins que le personnage opérant ce maléfice se transforme en momie, et l’on suit de visu toutes les phases de la métamorphose. La science a été saisie déjà de ce fait inouï, extraordinaire, bouleversant toutes les lois de la nature ; l’abiose reste, est restée et restera longtemps encore, sinon toujours, dans le domaine du merveilleux infernal.