Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/137

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Je reprends mon récit. À peine le frère Hobbs venait-il de me prévenir, que deux hommes apportèrent au grand-maître officiant un énorme livre, le Veda Palladique, et ils le tinrent ouvert devant lui.

Le grand-maître se mit à lire à haute voix, scandant d’abord lentement les mots inintelligibles qu’il prononçait, puis précipitant le débit. À mesure qu’il parlait, et par un singulier effet d’acoustique, l’air du temple, la plate-forme de granit, la salle elle-même se mirent à vibrer comme à l’unisson, en un grand brouhaha, en une note solennelle, grave et sonore à la fois ; on eût dit une clameur profonde qui sortait de la pierre. Il continua ainsi jusqu’à ce que le temple trembla sur ses fondements.

Par quel prestige cela est-il possible ? par quel artifice de construction tout un monument solidement édifié peut-il arriver à vibrer et à trembler par des répercussions de sons transmis par la voix d’un homme seul et singulièrement amplifiées ? Voilà ce que je n’ai pu m’expliquer ; je suis réduit à la simple constatation.

Après cela, il s’arrêta et versa, dans le sépulcre ouvert et vomissant des flammes, de l’assa-fœtida, encens diabolique ; il passa trois fois devant le sépulcre, en marmottant des paroles aussi inintelligibles que les précédentes, mais parmi lesquelles les monosyllabes pax, max, fax revenaient à chaque instant, et qui se terminèrent par une série de mots orduriers qu’on ne peut retranscrire.

J’abrège. Tout-à-coup, l’officiant s’écria :

— Lucifer, selon nos rites, nous allons t’envoyer deux êtres, une femme et un homme, pour t’apporter, jusqu’aux pieds de ta divinité, nos souhaits et nos vœux… Que l’on introduise les dévadasis, et qu’elles accomplissent leur œuvre !

Les portes du sanctuaire s’ouvrirent ; sept dévadasis, parmi lesquelles Saoundiroun, parurent.

Nous nous écartâmes pour leur livrer passage. En un clin d’œil, elles grimpèrent sur la plate-forme, et les six nouvelles se rangèrent en cercle autour de Saoundiroun, la laissant isolée au milieu.

Le grand-maître entonna aussitôt une sorte de cantique lugubre, frappant alternativement et à contre-temps dans ses mains, pendant qu’il marquait aussi la mesure par un-deux-trois avec les pieds. Les frères placés à l’orient l’imitèrent bientôt ainsi que les dévadasis, qui en même temps tournaient autour de Saoundiroun, se tenant par les mains, les doigts crochus dans les doigts crochus ; puis, à son tour, Saoundiroun se mit à tourner sur elle-même.

Cet ensemble formait une cadence bizarre, une musique étrange à entendre, dans le grand vide du temple où elle résonnait haut.

Alors, le grand-maître accentua la mesure par intervalles ; et, à chaque