Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/142

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un bloc qui ressemblait presque à un morceau de bois équarri à la hache ; les oreilles s’appliquèrent sur le crâne, en arrière ; les lèvres, le nez s’amincirent ; il s’amaigrit encore au-delà de toute expression ; sa peau se colla davantage sur les os ; puis, les yeux perdirent leur dernier éclat, cessèrent leur roulement, devinrent glauques et ternes ; le clignement des paupières n’eut plus lieu ; les uns après les autres, les mouvements et jusqu’aux tressaillements les plus imperceptibles se ralentirent et dis parurent ; puis, après un gros soupir énorme et très prolongé, inspiration suivie d’une expiration, la respiration elle-même s’arrêta absolument. Un instant encore, dans le grand silence, notre ouïe perçut les battements de cœur, secs et par à-coups, pareils au bruit d’un insecte qui travaille dans le bois pourri : tac, tac, tac ; puis, ce fut fini ; plus rien.

Alors, le corps, toujours debout, en équilibre, se serra de plus belle, se ratatina, et, en quelques minutes, un quart d’heure à peine, le fakir s’était, devant nous, momifié vivant.

Ainsi doivent certainement se former les larves, les chrysalides de papillons. C’était à une larve, à un spectre d’homme, que nous avions désormais affaire, à une vraie momie, osseuse et desséchée. Et ce phénomène inexplicable, — de pareils, du même genre, ont été constatés, mais non expliqués, par d’autres médecins que moi, — ce phénomène, dis-je, venait de se produire sous mes yeux, simplement et comme la chose la plus naturelle du monde.

Quand la momification fut achevée, un maître des cérémonies monta sur la table de granit, saisit d’un seul bras le corps du fakir, qui avait perdu son poids et qui résonnait creux, et le coucha tout de son long, avec de grandes précautions, comme s’il avait eu crainte de le casser. L’officiant monta à son tour sur la plate-forme ; on lui apporta un coffret, d’où il retira je ne sais quel mastic, quelque chose qui ressemblait à du coton, et une minuscule truelle d’argent. Puis, s’agenouillant devant le fakir momifié, il prononça ces paroles :

— Par la fiente de coq qui forme ce mastic, et par les fils de la Vierge qui composent ce coton, que tout soit fermé, bouché !… Pax ! max ! fax !

Il prit une portion de mastic au bout de la truelle ; il en enduisit la commissure des yeux du fakir, lui mastiqua successivement ainsi les narines, les oreilles et toutes les ouvertures du corps, qu’il tamponnait auparavant avec le prétendu coton.

— Pour trois ans ! pour trois ans ! murmurait-il en procédant à cette opération lugubre.

— Pour trois ans ! répétait l’assistance.

Un pot et un pinceau furent encore apportés au grand-maître. Il y avait dans ce pot une espèce de vernis, une sorte de collodion, dont il badi-