Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/177

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Loin d’être épouvantés, les assistants se félicitèrent de ce qui venait d’arriver ; ils considéraient comme un heureux présage cette apparition satanique, qu’ils n’avaient point sollicitée.

Quelques jours plus tard, Francesco Cucchi quittait mystérieusement l’Italie et se rendait au quartier général de l’armée allemande ; c’est le 2 août qu’il y arriva. Là, il eut, pendant une période de seize jours, plusieurs entrevues secrètes avec M. de Bismarck. Un pacte fut conclu entre le ministre de Guillaume et le colonel garibaldien, celui-ci agissant comme délégué des révolutionnaires italiens, dont la gauche parlementaire était alors l’émanation politique. Bismarck s’engageait à fournir aux révolutionnaires italiens les ressources matérielles pour marcher sur Rome, si Victor-Emmanuel hésitait à y aller ; il offrait même de fournir les fusils à aiguille nécessaires à l’armement des volontaires : de son côté, le parti radical de la péninsule s’engageait, par l’intermédiaire de Cucchi, à créer dans le pays une agitation formidable contre l’alliance française ; car M. de Bismarck craignait que le roi d’Italie vint au secours de la France, en reconnaissance de l’appui que Napoléon III lui avait apporté sur les glorieux champs de bataille de Magenta et de Solférino.

Tout le monde sait quel mouvement eut lieu en Italie, dès le 20 août, jour où le premier ministre de Victor-Emmanuel, M. Lanza, eut à répondre à une interpellation des radicaux de la gauche. Le 20 août est la date exacte de l’explosion révolutionnaire anti-papale en Italie, et c’est ce jour-là même que le colonel Cucchi rentrait à Florence, de retour de sa mystérieuse mission.

Un mois après, jour pour jour, le 20 septembre, Rome était, sans l’ombre d’un prétexte, entourée et assiégée par les troupes italiennes ; le territoire pontifical était violé, au mépris même de la convention du 15 septembre 1864 signée par Victor-Emmanuel ; le canon de l’envahisseur faisait, à la Porta-Pia, une brèche sacrilège, par laquelle l’armée du roi usurpateur entrait dans la Ville-Sainte. Le général qui commandait en chef cette armée était Cadorna.

Enfin, disons qu’un des quinze francs-maçons occultistes du conciliabule de Milan, raconté à Cresponi et à d’autres par le docteur Riboli, n’était autre que M. Crispi, qui alors n’avait pas encore été ministre.


Le lecteur me pardonnera cette longue digression à propos d’un des « privilèges » attachés au grade de Hiérarque que le frère Walder me conféra le 30 octobre 1880 ; cette explication avait un intérêt capital, attendu qu’on aurait pu se demander si le délégué de Charleston m’avait parlé sérieusement ; et le fait est que moi-même, sans la rencontre providentielle de Carbuccia et ses confidences, je ne me serais jamais préoc-