Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/234

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En fait de présence réelle, conclut-il, une seule était indiscutable ; c’était celle des esprits parmi nous ; les preuves avaient surabondé.

La séance, — si l’on peut appeler séance cette pitrerie démoniaque, — touchait à sa fin. Spencer venait de promettre à l’assemblée un dernier phénomène.

Il descendit de la chaire, se plaça contre le mur d’en face, tournant le dos à la draperie blanche, que des servants maintenaient fortement tendue. On fit cercle autour du grand-maître. Alors, il éleva ses bras au-dessus de sa tête, en les croisant, et ses mains faisaient le signe ésotérique luciférien (voir page 201). Derrière lui, se forma une ombre qui représentait une tête de diable derrière chacune de ses mains.

Le surprenant de la chose n’était pas le fait de l’ombre ; le premier venu peut obtenir semblable résultat, en s’y prenant de la même manière. L’important était de fixer l’ombre sur le mur. Il faut pour cela, disent les lucifériens, que les esprits soient favorables. J’ai vu souvent renouveler cette expérience, et la plupart du temps elle ne réussissait pas. Ce soir-là, il faut croire que Lucifer était dans les meilleures dispositions possibles à l’égard de ses adorateurs.

Le grand-maître Spencer, debout à peu de distance du mur drapé de blanc contre lequel son ombre se profilait, les bras et les mains dans la position que je viens de dire, prononça la formule suivante :

« — Trulu-krashkim-nihoé… Veryamathoben-mulu-istar-néphris… Parakomulu-igazzushu-ekimmugallu-zikika-dingir… Luluvikos-garbenium-lotiphrem-manasko-ix-pax-gremfik… Zipétach-asharshimatum-abraxas… Samatipoo… Soulathéki… Bolarik… Malarik… Abraxarik… Libbischu-mahari-shmasch… Foé ! foé ! foé !… Ranu ! ranu ! ranu !… Bélial-gog !… Foé ! foé ! foé ! »

Après avoir débité toute cette enfilade de mots baroques, que je viens de recopier ici d’après le rituel des évocations palladiques, Spencer fit quelques pas en avant, s’éloigna tout à fait du mur, et, chose renversante, l’ombre restait fixée sur la tenture blanche.

La place occupée précédemment par le buste du grand-maître représentait une large tête de démon, vue de face ; dans cette ombre, il y avait des endroits moins noirs que d’autres, de telle sorte que les traits étaient très bien accentués ; les yeux étaient blancs ; la bouche s’ouvrait et se fermait ; en un mot, c’était une ombre vivante. Les deux cornes étaient figurées par deux autres petites têtes diaboliques, allongées, et de profil. En tout, une trinité infernale de trois têtes, qui avaient, chacune, sa physionomie, son expression particulière.

Spencer expliqua que la tête centrale était Baal-Zéboub ; celle de gauche, Astaroth ; celle de droite, Moloch.