Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/261

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Comme on le voit, le tuilage n’est pas compliqué, dans la San-ho-hoeï. Mais ce n’est pas du tuilage que vient la difficulté, pour être admis à une réunion des lucifériens chinois. La grosse difficulté est que ces sectaires ne reçoivent chez eux, en fait de francs-maçons étrangers, que les Old-fellows, les membres du Lessingbund, les affiliés du Palladium et les fakirs lucifériens de l’Inde ; les 33es du Rite Écossais eux-mêmes ne sont pas reçus, s’ils n’ont pas été initiés à un grade palladique.

En outre, les temples de la San-ho-hoeï sont rigoureusement tenus secrets ; les Sublimes et Discrets Vengeurs n’en font même pas connaître l’endroit aux maçons de rites étrangers qu’ils consentent à recevoir. Enfin, il faut, au préalable, se mettre sans la moindre défense entre leurs mains et dans un état qui laisse la vie du frère visiteur à leur absolue discrétion.

Cresponi m’avait fourni des renseignements détaillés, aussitôt que j’avais été créé Hiérarque. Pour pénétrer dans une réunion de la San-ho-hoeï, lorsque l’on appartient à l’un des quatre rites qui frayent avec les lucifériens chinois, il n’y a qu’une marche à suivre : aller dans une fumerie d’opium ; avoir sur soi ses papiers établissant l’initiation luciférienne ; s’endormir à l’opium, en posant auprès de soi du côté gauche son parapluie ou parasol fermé, la tête en bas, c’est-à-dire la tête du parapluie touchant vos pieds et le bout dudit parapluie dans la direction de votre tête. Il arrive alors ceci : tout étranger qui vient dans une fumerie d’opium, et surtout seul, est très remarqué ; d’autre part, les affiliés de la San-ho-hoeï sont légion ; dès qu’ils vous voient vous endormir dans les conditions indiquées, ils savent que c’est là, de votre part, la sollicitation d’être admis à leur séance ; et tandis que vous vous êtes ainsi livré à eux, endormi, après qu’ils se sont assuré de votre qualité, en vous fouillant, alors ils vous enlèvent et vous transportent dans un de leurs temples, dont vous ne devez jamais connaître le chemin. On est donc apporté inerte à la réunion de la San-ho-hoeï, tandis que l’ivresse de l’opium vous a anéanti et que vous êtes mis complètement à la merci de ces frères inconnus ; il n’existe pas d’autre moyen d’obtenir l’introduction.

Or, ce n’était pas tout que de savoir comment il faut s’y prendre pour pénétrer dans la San-ho-hoeï. La grande question était si je me résoudrais à me soumettre aux conditions requises ; et cette question-là, j’avoue que je me la suis posée maintes fois avant de prendre une décision définitive, irrévocable.

Il me semblait que, cette fois, ma vie allait être plus en danger que jamais. Certes, j’en avais fait volontiers le sacrifice à Dieu, dès le jour où j’avais entrepris mon enquête ; mais, du moins, je tenais à pousser mes investigations jusqu’au bout. Je voulais voir le temple de Charleston, ce