Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/281

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fort longue, mais très pressée comme récitation, et dans laquelle le nom de Whamg-tchin-fou revenait souvent, tandis que les médecins épandaient tout leur fluide.

Mais, comme le squelette s’obstinait à ne pas bouger :

— Je vais, dit le grand-sage d’une voix forte, je vais faire apporter la relique de Baal-Zéboub !

À cette menace, le squelette tressaillit.

— Eh bien, maintenant, reprit le grand-sage, dis, peresprit des os et des vertèbres, toi qui, par la permission de Lucifer, notre Dieu, animes ce squelette, dis, répondras-tu ?

Le squelette, d’un coup sec, baissa brusquement la tête.

Il faut que j’interrompe ici mon récit pour apprendre au lecteur qu’il existe, dans les principaux centres lucifériens, quelques reliques des diables, telles que fragments d’écaille ou écailles entières de la queue, cheveux, dents, même morceaux de cornes, et jusqu’à des griffes ; ces objets sont réputés authentiques, et les sectaires affirment que ce sont pour eux de véritables talismans, au moyen desquels ils accomplissent des sortilèges de premier ordre. Je signale, à ce propos, que ce mot « reliques » est fort mal employé par les lucifériens et détourné de son sens véritable ; mais ils s’en servent par dérision des saintes reliques honorées dans le catholicisme et par analogie diabolique.

— Puisque tu es maintenant décidé à répondre, reprit le grand-sage, ô peresprit des os et des vertèbres, dis-nous, ô toi qui viens, par notre volonté, de t’unir à ce qui reste du corps d’un traître abhorré, ô toi que notre puissance rattache en ce moment à un squelette de catéchumène qui fut un adorateur de Yé-Su, dis-nous, préviens-nous si quelque nouveau convoi de missionnaires vient de partir de France où s’apprête à partir ; fais-nous savoir quand ces prêtres exécrés arriveront, afin que nous puissions dès à présent prévenir nos frères de l’intérieur, faire préparer et polir les instruments de supplices, destinés à torturer leurs corps ; car nous nous emparerons de leur matière, de leur chair, puisque leur esprit et leur âme ne sont pas à nous. Dis, Whamg-tchin-fou, esprit des os et des vertèbres, génie de l’ordre inférieur, je t’ordonne, au nom de Baal-Zéboub, de me répondre ; par sa relique, au besoin, je t’y forcerai.

La relique diabolique qui est à Tong-Ka-Dou est une poignée de cheveux que Baal-Zaboub s’arrache, lors d’une apparition remontant au siècle dernier. Cette soi-disant relique est très vénérée dans la San-ho-hoeï ; car les sectaires disent que Baal-Zéboub la leur a donnée comme gage de sa protection ; en outre, un intérêt de curiosité s’attache à l’objet, attendu que le vice-roi de l’enfer est réputé pour avoir, au moins dans ses apparitions, la chevelure bizarrement hérissée.