Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/324

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sympathique, et, comme homme privé, il ne me déplaisait pas ; il est mort aux États-Unis, en juillet 1887, et je ne serais pas étonné qu’à sa dernière heure il ait eu, mentalement au moins, un retour au vrai Dieu ; car, d’après bien des paroles qui lui échappèrent dans nos conversations, je crus comprendre qu’il n’était pas absolument convaincu de la divinité du grand esprit de lumière. Quoiqu’il en soit, les relations avec lui m’étaient précieuses, vu qu’il était le grand chancelier du Suprême-Directoire Dogmatique et que par conséquent, il en savait long.

Indépendamment de sa fille, Albert Pike nous arriva flanqué de Samuel Shofield et John Wilson, qui étaient ses deux assistants spéciaux au Grand Directoire de Washington, et de Frederick Weber, un des personnages les plus importants de la haute maçonnerie avec le docteur Gallatin Mackey et Henri Buist. À peine Weber fut-il descendu du train, que Sophia, aimable, empressée, l’accapara, pour lui faire les honneurs de Charleston, qu’il connaissait cependant aussi bien qu’elle ; toute la journée, elle papillonna autour de lui, au point que le pauvre Jonathan Chambers, presque délaissé, en avait un air piteux. Mais n’oublions pas de dire que Frederick Weber était le grand trésorier non-seulement du Suprême Conseil du rite écossais pour la Juridiction Sud des États-Unis, mais aussi du Suprême Directoire Dogmatique ; c’est lui qui avait la clef de la caisse centrale de la franc-maçonnerie universelle ; et il importe de noter aussi que cette diablesse de Sophie, si fanatique qu’elle soit dans son surnaturalisme luciférien, n’en est pas moins, et cela depuis son adolescence, une artiste incomparable en l’art d’attirer à elle les métaux ; ce n’est pas une femme, c’est un aimant.

Par contre, la froideur avec laquelle Sophie Walder et Liliana Pike se serrèrent la main ne m’échappa pas ; j’en fus frappé ; les deux demoiselles étaient loin de sympathiser. Mademoiselle Pike, qui n’était pas de la première jeunesse, et qui avait largement franchi le cap de la trentaine, si même elle n’approchait pas de ses quarante ans, était-elle, astre à son déclin ou éclipsé, jalouse de l’autre, la précoce luciférienne, fêtée par tous comme une déesse, alors dans tout l’éclat de son infernale beauté ? Je pose ce point d’interrogation, et je ne le fais suivre d’aucune réponse. J’ai constaté l’antipathie des deux femmes ; quant à la cause, je l’ignore ; sur ce point, ni l’une ni l’autre ne m’ont jamais fait de confidences.

Quant à Albert Pike, il embrassa Sophie sur le front, paternellement.

Le docteur Gallatin Mackey me présenta au chef suprême ; je ne lui étais pas inconnu ; Hobbs, Walder et Cresponi lui avaient déjà écrit à mon sujet.

Par exemple, quelle chaleureuse étreinte fut celle de Pike et du doc-