Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/346

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tant divinatoire qu’opératoire, aimaient, entre autres exercices, l’un des procédés de Cagliostro, la divination par les cartes blanches.

Voici comment on s’y prend :

Une personne de l’assemblée écrit la question qu’elle veut poser. Les lettres formant la phrase sont inscrites, une à une, sur des cartes blanches ; l’inscription faite, on brouille les cartes, et on remet l’ensemble au mage-devin, au médium. Celui-ci invoque un esprit et brouille de nouveau les cartes, à sept reprises. Si l’esprit n’est pas favorable ou si le devin chargé de donner la réponse n’est pas un bon médium, les cartes ont beau être battues ; elles ne donnent aucune phrase, lorsqu’on les reprend maintenant une à une. Si au contraire l’opération réussit, l’ordre dans lequel se trouvent les cartes brouillées fournit une phrase plus ou moins compréhensible, qui est la réponse désirée. À la fin de la phrase, il y a d’ordinaire un certain nombre de lettres qui ne forment aucun sens apparent. Ces lettres sont considérées comme les initiales d’une phrase en latin, que la perspicacité d’un médium présent doit constituer, séance tenante, et qui nécessairement doit confirmer la réponse en langage clair ; ces lettres restées à la fin sont appelées « lettres muettes ».

Une des règles, aussi, consiste à écrire avec tous les prénoms et les titres, dans la phrase de demande, les noms des personnes qui ont à figurer dans la question.

Au premier abord, il semble que c’est là purement et simplement un jeu de société, et que chacun pourrait s’y livrer sans inconvénient. Ou l’on n’obtiendra que des réponses incohérentes ; ou bien, pour avoir une réponse ayant le sens commun, elle proviendra d’une supercherie, d’un arrangement prémédité, d’un compérage. Même chez les médiums vraiment lucifériens, il y a toujours du charlatanisme mêlé aux prestiges ; les cas où le surnaturel est dégagé de toute jonglerie sont très rares. C’est ainsi que la coupable pratique dont je parle est formellement condamnée par le Saint-Siège, comme toutes les pratiques de Cagliostro, franc-maçon émérite, demi-charlatan et demi-sorcier.

Aussi, je ne me porte nullement garant de l’authenticité du fait que je vais rapporter ici. Y a-t-il eu supercherie ? ou les démons sollicités ce jour-là chez Chambers furent-ils réellement les auteurs des réponses ? Je n’ai pas à me prononcer ; je n’y étais pas. Je consigne uniquement, dans mon récit, ce que les Walder, le père et la fille, racontent à cette occasion ; ce sont eux qui disent que les choses se sont passées ainsi, et que ce n’est pas une anecdote fabriquée après coup. Bon nombre de palladistes américains répètent, d’après la parole d’honneur (!?!) de Chambers, que le fait est rigoureusement vrai. Encore une fois, moi, je n’atteste rien à ce sujet ; même, je ne relate ceci qu’avec une extrême méfiance.