Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/398

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voix basse : « Dans une heure seulement, je serai prêt. » Et le crapaud du coffret de Charleston, qui, lui aussi, vomit des petites flammes pendant toute la durée de la communication, dit à voix haute et intelligible : « Dans une heure ! dans une heure ! dans une heure ! »

À la fin de la communication, chacun des chefs qui se sont parlé par cette voie remet en place les petites statuettes d’or, en les tirant par la tête.

Tout souverain grand-maître de Directoire emporte avec lui son Arcula Mystica, quand il voyage ; ce coffret est en dépôt entre ses mains à titre personnel. Pour le Directoire Administratif de Berlin, l’Arcula est confiée au souverain délégué aux finances.

Je dois le dire, je n’ai jamais vu fonctionner cet appareil ; les chefs qui le possèdent s’en servent hors la présence de tout témoin. Mais j’ai vu, en 1881, l’Arcula du docteur Mackey, et plus tard, celle d’Albert Pike, celle de Lemmi, et celle de Hobbs, qui depuis cinq ans est devenu le souverain grand-maître du Directoire pour l’Asie et l’Océanie ; en outre, le frère Hobbs n’a fait aucune difficulté pour m’expliquer le fonctionnement du coffret diabolique, et son explication confirmait celle que je tenais de Gallatin Mackey. Peut-on supposer que ces gens-là aient chez eux, pour ne pas s’en servir, cet instrument magique dont le caractère luciférien est indiscutable, ou que ce soit là entre leurs mains un meuble quelconque tout naturel, un objet simplement bizarre et de pure fantaisie ?

D’autre part, j’ai eu connaissance d’une légende qui a cours chez les occultistes américains, et que je dois noter au passage. Je me fais un scrupule de tout relater ; mais les faits dont je n’ai pas eu l’occasion de contrôler l’exactitude, je les donne pour ce qu’ils peuvent valoir. D’après la légende en question, très répandue aux États-Unis, le suprême grand maitre Albert Pike avait à sa disposition un démon domestique, de l’ordre inférieur, qui paraissait dès qu’il l’évoquait chez lui, et à qui il confiait le soin de transporter, en quelques secondes, où il fallait, les documents de la plus extrême importance. Pour ces évocations, faites dans son cabinet de travail, à Washington, Pike se revêtait du costume de Mage Élu ; armé de l’épée magique, il traçait sur le plancher un cercle, en prononçant certaines paroles d’un rituel de cabale ; la trace circulaire se couvrait aussitôt de minuscules flammes blanches ; le diablotin, mis par Lucifer à son service, une sorte de gnome nain et difforme, agrémenté d’une très longue queue, prenait le pli cacheté que Pike lui tendait, et, disparaissant instantanément, l’emportait pour le déposer illico a son adresse, fallût-il aller aux antipodes.

Évidemment, il est nécessaire de dégager la mémoire d’Albert Pike de