Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/440

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contre, il n’est nul besoin de publier des biographies, lorsqu’il s’agit de montrer à l’œuvre le Souverain Directoire Exécutif : ici, les hommes se meuvent, sinon dans une pleine obscurité, du moins dans un certain effacement ; quelques-uns même de ces chefs sont presque inconnus.

Du reste, le fondateur du Souverain Directoire Exécutif, l’homme qui le premier a été le haut collaborateur secret de Pike, n’est plus de ce monde ; Giuseppe Mazzini appartient depuis 1872 au royaume du feu éternel, il n’est pas téméraire de le présumer.

Du temps de Mazzini et quelques années encore après sa mort, la maçonnerie italienne était divisée en plusieurs puissances rivales ; mais ces rivalités de Suprêmes Conseils et de Grands-Orients ne causaient aucun souci au Chef d’Action politique, qui se préoccupait avant tout de la direction générale de la secte, et qui évitait d’entrer dans la bagarre des jalousies de rites et d’obédiences.

Au sein du rite gouverné par le Grand-Orient d’Italie, Mazzini avait distingué un petit juif hargneux et haineux, doué d’une remarquable activité : c’était le F∴ Adriano Lemmi, grand tripoteur d’affaires, alors totalement inconnu ; il n’était même pas encore membre du Conseil de l’Ordre. Mais Mazzini l’avait jugé dans l’accomplissement de quelques secrètes missions de confiance ; il l’appréciait au plus haut point en tant que luciférien enragé : aussi n’hésita-t-il pas à le désigner pour être son successeur au Souverain Directoire de Rome.

De ce choix, il résulta ceci, qui prouve une fois de plus la prééminence du Palladisme ignorée même de la majeure partie des francs-maçons : c’est que, depuis 1872, Lemmi est le vrai grand-maître dans la péninsule italienne et en Europe, supérieur aux chefs des Directoires de Naples, Calcutta, etc., et pourtant, dans son rite même, il passa, durant cinq années, presque inaperçu ; c’est, en effet, seulement en juin 1877 que le banquier israélite de la via Nazionale fut élu membre du Conseil de l’Ordre au Grand-Orient d’Italie.

Lorsque je fis sa connaissance (en mai-juin 1882), il exerçait sans titre officiel les fonctions de grand-maitre-adjoint à ce Grand-Orient ; sa nomination avec ce titre ne fut régularisée et définitivement inscrite qu’à la date du 1er  juin 1883. N’importe, lors de mon premier voyage à Rome, le vrai et seul souverain grand-maître, c’était lui, et le grand-maître titulaire, un parfait gâteux du nom de Giuseppe Petroni, qui avait succédé en 1880 au F∴ Giuseppe Mazzoni (ne pas confondre avec Giuseppe Mazzini) et qui n’avait même pas eu encore les honneurs de la cérémonie d’installation solennelle, était un simple polichinelle dont les ficelles étaient tenues par Lemmi.

Quel type, ce Petroni ! on lui fit attendre sa cérémonie pendant deux