Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/467

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Il est, enfin, un personnage qui mérite les honneurs d’une présentation spéciale à mes lecteurs. C’est l’illustre Giambattista Pessina, de Naples. Du reste, il m’a mis lui-même dans l’agréable obligation de consacrer quelques pages à son individu et à son Souverain Sanctuaire de Memphis et Misraïm.

Ceux qui s’imagineraient que Pessina est l’inventeur de la poudre commettraient une monstrueuse erreur ; il y avait beau temps qu’on tirait le canon à l’époque de sa naissance. Pourtant, il n’y a pas lieu de l’assimiler à Petroni. Pessina est tout le contraire d’un génie, et il n’a pas l’ombre d’une chance de passer à la postérité ; mais, néanmoins, il n’est pas dépourvu d’une certaine malice ; il est ce que dans notre style fin-de-siècle, on appelle un « roublard ». Seulement, sa roublardise ne s’applique qu’à la concentration des métaux. Hors de là, il n’est guère malin, le pauvre homme ; ce qui ne l’empêche pas de s’en croire, pourtant. Ainsi, on m’a raconté qu’en donnant ses leçons d’escrime, il ne négligeait jamais l’occasion de s’offrir à ses élèves pour leur apprendre le français ; car il est convaincu qu’il parle notre langue avec une pureté remarquable ; vous allez voir un échantillon de sa science !

Dès l’apparition de cet ouvrage, un lecteur parisien, aimant à rire, peut-être un franc-maçon appartenant à la catégorie des sceptiques, expédia à Pessina les deux premières livraisons, dans le but, sans doute, de provoquer une explosion du sublime hiérophante. Sans attendre la suite de la publication, Pessina prit feu comme une cartouche de dynamite sur laquelle se serait brusquement assis le gros Bruff, et le très illustre et très puissant souverain grand-maître du Rite oriental et primitif de Memphis et Misraïm, c’est-à-dire l’homme qui, sans s’en douter, a fourni à un adversaire investigateur les moyens de pénétrer dans la maçonnerie occulte, s’est empressé d’adresser à mes éditeurs une épître qui est à encadrer. Ces deux premières livraisons, ces seize pages, qu’il avait sous les yeux, ne donnaient connaissance à Pessina que d’une partie des confidences reçues par moi de Carbuccia, et seulement de ce que j’ai cru devoir publier d’abord ; Pessina a donc cru qu’il s’agissait uniquement d’un récit d’une tierce personne, et, par conséquent, qu’il lui serait facile de nier ; tout coupable, même pris en flagrant délit, commence toujours par une négation. Mais, depuis lors, Pessina a reçu connaissance des livraisons qui ont suivi, et il n’a plus bougé. J’ai même tout envoyé au grand chancelier du rite, le capitaine Vincenzo Mineo, demeurant rue Pietrarsa, n° 18, à Portici, près de Naples ; aucun des misraïmites italiens n’a contesté l’exactitude des renseignements jusqu’à présent donnés par moi sur leur rite essentiellement hermétique et cabalis-