Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/496

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vols sacrilèges sont, dès leur arrivée chez l’intermédiaire et sous prétexte de besoin pressant, transportés nuitamment dans la maison qui recèle, en son sous-sol, le temple palladique en voie d’établissement. Là, déposés pêle-mêle, ils subissent une première opération, dite de la « désinfection. »

Vous avez bien lu, de la désinfection ! Elle consiste, non pas, comme on pourrait le croire, en un lavage, en une injection quelconque de matières antiseptiques, en des fumigations ou toute autre opération sanitaire, mais bien en une cérémonie qui équivaut à une sorte d’exorcisme.

« Infecté » pour le palladiste, veut dire : susceptible d’avoir conservé une imprégnation adonaïte, d’avoir gardé quelque chose, d’animé ou de matériel, qui rappelle ou provienne du culte du Dieu adoré par les chrétiens. Ce quelque chose, il faut le chasser, l’exorciser. Le principal acte de cette parodie est une bénédiction satanique d’eau croupie et polluée, dans laquelle on laisse tomber un fragment du bois à désinfecter.

La cérémonie terminée, des ouvriers lucifériens des différentes parties de la menuiserie ou de l’ébénisterie travaillent, sur des établis ou avec des tours, des scies, les différentes pièces de bois. Il existe, dans chacun des principaux pays, un personnel de ces ouvriers spécialistes affiliés à la secte et habitant d’ordinaire la capitale ; lorsqu’un nouveau temple est fondé, ils sont embauchés par la Loge-Mère, qui les indemnise à raison du congé qu’ils sont obligés de prendre à leur atelier profane, et qui les envoie où il faut, très avantageusement payés. Dans la ville du nouveau temple, ils se conduisent le jour avec la plus grande discrétion, n’attirant pas l’attention sur eux, logés chez les frères palladistes, et ils ne travaillent que de nuit.

Le temple en construction et son parvis ressemblent absolument alors à un magasin que l’on installe, avec son arrière-boutique : les ouvriers vont, viennent à la lueur fumeuse des lanternes cadenassées ; les coups de marteau résonnent, les scies hurlent, les rabots raclent, ourlant les unes sur les autres leurs symphonies grinçantes ; et c’est quelquefois une orgie souterraine de bruits qui fait trépider tous les alentours, qui effraie les voisins, car ceux-ci étonnés n’aperçoivent aucune lumière sortant des soupiraux de cave de la maison mystérieuse ; et le passant inoffensif, n’y comprenant goutte, lui aussi, se signe instinctivement, en entendant, au milieu de la nuit, l’éclat sourd, confus, étouffé, de ces clameurs, de ces vociférations bizarres, entremêlées de sonorités de bois et de métal.

Chasses de saint Hubert, courses du diable, magiciennes lavandières des étangs, etc., toutes ces superstitions, en apparence étranges et d’origine inexplicable, ont peut-être comme sources telles ou telles