Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/51

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voyages sans but connu, il dépensait beaucoup d’argent ; et notez bien qu’à son procès il n’a pu justifier d’aucuns moyens d’existence.

Donc, en 1856, il eut maille à partir avec la justice française. Son cas lui faisait encourir la peine capitale. Il avait poignardé, sans qu’il ait jamais voulu dire pourquoi, une femme chez laquelle il se trouvait un jour, une de ces malheureuses qui sont la honte de leur sexe et dont la profession ignoble porte un nom qu’une plume honnête n’écrit jamais que forcée et à regret.

Ce n’était point pour la voler qu’il avait assassiné cette femme ; elle ne possédait rien ou presque rien. Il ne s’agissait non plus ni de vengeance, ni de haine ; il était avec elle dans d’excellents termes. Il avait tué pour tuer ; c’est du moins ce que l’on crut, et, au premier moment de son arrestation, on avait présumé qu’il était peut-être fou.

« — Mais, enfin, pourquoi avez-vous poignardé cette malheureuse ? » lui demanda l’agent de police qui s’empara de lui, après le crime.

Matraccia répondit, d’un ton de brute :

« — Je voulais avoir de son sang. »

Quand le juge d’instruction chercha à avoir l’explication de cette phrase incompréhensible, échappée dans un premier moment d’affolement, sous le coup d’une arrestation inattendue, Matraccia prétendit qu’il ne se souvenait pas d’avoir fait cette réponse à l’agent ; il la nia ; l’agent maintint sa déposition. Alors, Matraccia refusa de s’expliquer en aucune façon sur le mobile de son meurtre.

« — Je suis pris cette fois, grommela-t-il ; c’est tant pis pour moi !… J’ai été un maladroit… Je ne nie pas l’assassinat… Jugez-moi vite, coupez-moi le cou au plus tôt, cela m’est égal ; tout ce que je vous demande, c’est de me laisser garder mon perroquet jusqu’à mon exécution. »

Matraccia possédait, en effet, un perroquet, dont il ne se séparait jamais. À la rue, il avait toujours cet oiseau sur son épaule, et les habitués des promenades publiques de la ville, notamment ceux du cours Belzunce, ne le connaissaient que sous le nom de « l’Italien au perroquet ».

Le magistrat instructeur crut devoir satisfaire cette fantaisie de l’accusé ; son perroquet fut son compagnon de captivité. Mais, par contre, le juge eut soin de ne pas presser l’instruction, et ainsi il agit sagement.

Une enquête minutieuse fut faite dans les divers pays que Matraccia fréquentait. On apprit, par la police de Naples, qu’il était carbonaro. À Messine, en 1850, il avait assassiné un prêtre, mais sans le voler ; il avait réussi à se tirer des mains de la justice sicilienne, grâce à la connivence d’un geôlier, a-t-on dit. Ce fait d’impunité ne fut jamais éclairci et donna lieu dans le pays à de nombreux commentaires. Ce qui fut re-