Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/518

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glais, c’est-à-dire le protestant haineux, l’hérétique hypocrite. Triste destinée, en vérité, que celle de Gibraltar, lieu unique peut-être en Europe comme malédiction !

Et c’est l’Anglais qui abrite sous son pavillon la fabrication des objets en usage dans le culte mystérieux des triangles ; le gouvernement britannique non seulement n’ignore pas, mais encore protégé ce commerce infernal et le garantit contre les investigations. Ce n’est donc pas à un soldat ni à un matelot anglais que le touriste, curieux de voir ou tout au moins d’apercevoir les ateliers sataniques, devra s’adresser pour avoir des renseignements.

Je m’y suis rendu, moi, sans grande difficulté ; mais, en palladiste haut-gradé, je ne pouvais avoir d’obstacles à surmonter. Suivant la règle, j’envoyai une lettre à l’adresse qui m’avait été donnée, celle d’un Mage Élu, le F∴ David Sandeman, en séjour à Gibraltar pour trois mois ; seuls, les membres du personnel des ateliers ont domicile fixe dans la ville maudite. Le lendemain, au rendez-vous que j’avais indiqué, je vis, non pas mon Sandeman, mais un des contre-maîtres, qui vint à moi et me demanda mes pièces, diplômes et autres documents authentiques, ainsi que ma carte d’identité ; il examina tout avec soin, puis, s’offrit à me conduire, du moins pour une partie de la route ; il m’engagea à prendre en outre un guide, le premier venu, à la condition de ne pas lui laisser soupçonner le vrai but de mon excursion. Un guide est absolument nécessaire, comme on va le voir.

Quand j’eus fait mon prix avec un guide, solide gaillard incapable d’avoir le moindre vertige même en descendant les plus affreux précipices, je me mis en route avec lui ; le frère palladiste devait nous rejoindre à un endroit convenu.

Je fais grâce au lecteur de la première partie de cette pérégrination, laquelle n’a rien d’intéressant.

Le guide ne savait qu’une chose : c’est que je désirais visiter une des grottes, comme tant de touristes. Il n’avait de préférence pour aucune et était absolument à mes ordres. Je lui avais annoncé qu’un de mes amis se rencontrerait avec nous, à tel endroit, à la partie inférieure du rocher, du côté faisant face à la Méditerranée.

Je prends donc mon récit au moment où nous étions arrivés là et où le frère palladiste nous rejoignit à son tour.

— Eh bien, demanda le guide, puisque c’est monsieur qui dirige l’excursion, à quelle grotte allons-nous ?

— À la grotte San-Miguel, répondit l’autre.

Cette grotte est connue de tous les guides, à Gibraltar ; mais son immensité et son énorme quantité de chambres communiquant entre