Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/554

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Voyons, monsieur Allan-Kardec, voyons, tout cela, c’est très joli ; mais, permettez-moi cette simple observation : croyez-vous que, si votre peresprit existait vraiment, nos livres saints, notre Écriture, notre dogme révélé, les enseignements de notre sainte mère l’Église catholique ne nous en eussent pas parlé ?

Vous savez, je ne voudrais, en aucune façon, faire de la peine à votre peresprit, qui doit joliment souffrir, à cette heure, de se voir ainsi vitupéré. Mais franchement, là, entre nous, quelle qualité avez-vous pour dogmatiser ainsi et me dire : post hoc, ergo propter hoc ? Moi, parce que catholique, je ne reconnais d’infaillible que le Pape et les évêques, parlant en son nom, et cela par la raison naïve qu’ils parlent au nom de Dieu, que je le sais pertinemment, que tradition, révélation, tout me le dit, me le crie, m’en fait foi. Mais vous, monsieur Allan-Kardec, voulez-vous me permettre de vous demander au nom de qui vous parlez ?

Si vous ne me le dites pas, peut-être vous le dirai-je, moi, dans un instant ? et nous serons deux à causer alors, ou trois même, si je compte… l’autre.

Quoiqu’il en soit, transporté d’Amérique en Europe, le spiritisme y courut aussi des chances diverses. L’ébénisterie, d’abord, lui dut beaucoup. Des gens, en effet, s’avisèrent de faire tourner des tables ; ce qui se pratique encore, quoique moins. Mais l’affaire dite des photographies spirites vint, au lieu de le tuer sous le ridicule et le dol, lui donner un regain nouveau.

Les 16 et 17 juin 1875, en effet, hier par conséquent, un procès curieux se jugeait à Paris devant la septième chambre. Trois escrocs, les nommés Leymarie (le successeur propre, entre parenthèses, ou sale, comme on voudra, d’Allan-Kardec), Firmann et Buguet, se livraient au petit truc suivant : non contents de faire tourner des tables, des pipes, des sabres, et la tête aux bons nigauds, ils voulurent photographier l’imbécillité humaine ; et ce problème, ils arrivèrent à le résoudre promptement.

Ils amenaient le bon nigaud à leurs séances de peresprit funambulesque, et, à la sortie, ils lui persuadaient qu’il lui fallait la photographie de sa sœur, par exemple, morte l’an dernier, c’est-à-dire le portrait pris instantanément du peresprit de sa sœur.

L’autre buvait comme du lait et savourait même le boniment ; et moyennant les métaux (ici, on le voit, nous côtoyons la maçonnerie), moyennant, dis-je, les métaux, on opérait, ou plutôt on l’opérait.

Placé devant l’objectif de Buguet, le photographe, on lui « tirait » son portrait comme dans les foires ; puis, sous prétexte de manipulations, on portait le cliché dans un arrière-laboratoire, où Leymarie, qui avait au préalable fait causer le bon nigaud, désignait à Firmann une des nombreuses