Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/56

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autre démon, aurait annoncé ainsi, par un phénomène, par un prestige, à un impie avéré, la mort tragique d’un chef communard, son ami et son complice ?

En fait d’imitation diabolique plus forte encore, l’abbé me cita le cas que voici. Un miracle divin, des plus indiscutables, des plus authentiques, est celui de saint Janvier, dont le sang se liquéfie et bouillonne, chaque année, à la date de son martyre. Or, l’abbé Laugier tenait d’un religieux franciscain, qui avait fait faire une retraite à un luciférien converti, qu’il existe quelque part, mais il ne savait pas exactement où, dans une société de théurgistes, le crâne d’un sectateur de Satan, supplicié au moyen-âge, et que ce crâne, chaque année, à la date exacte du supplice, parle, répond aux questions qu’on lui pose sur ce qui se passe au royaume infernal, et lance des flammes par les cavités du nez et des yeux.

— Puisque vous êtes inébranlablement décidé à explorer les domaines occultes du satanisme, mon cher enfant, me dit l’abbé, vous rencontrerez peut-être un jour ce crâne de damné ; peut-être assisterez-vous à ce prestige diabolique…

L’abbé ne se trompait point dans ses prévisions. Ce crâne, qu’on exhibe aux initiés de l’occultisme, je l’ai vu ; j’en parlerai longuement plus loin ; mais je dois dire, en toute sincérité, qu’en ce qui concerne le prestige dont il s’agit, je crois à la possibilité d’une supercherie ; toutefois, s’il y a supercherie, elle est si habilement exécutée, qu’il est difficile de se prononcer catégoriquement.

La conclusion finale de mon vieil ami était que, si Dieu laisse à Lucifer un pouvoir très grand, qui sera plus considérable encore au temps de l’antéchrist, mais dont il aura à rendre compte au jour du jugement dernier, d’autre part, la providence divine, toute paternelle, protège les humains, les bons, ceux surtout qui, par une piété ardente au premier âge, se sont assuré des trésors de grâce, et la bonté du Père céleste est telle, sa miséricorde est à ce point infinie, qu’à la seconde ultime de l’agonie, quel que soit le degré de péché dans lequel l’âme est tombée, il suffit à l’homme, pour être sauvé, d’un acte de contrition parfaite, d’une lueur de repentir sincère, vrai et mêlé d’une aspiration d’amour vers Dieu ; de telle sorte que le libre arbitre de l’homme existe toujours et quand même, et que le pouvoir de Satan de maléficier se trouve par là absolument contrebalancé par la foi de la créature et annihilé alors par l’infinie bonté du Créateur : le diable peut tenter, se réjouir de voir les progrès du mal chez l’obsédé et le possédé ; mais, au dernier moment, en définitive, toute sa peine peut être perdue.

Le bon abbé Laugier ne contrecarra donc plus mon projet et me pro-