Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/569

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

allions vraisemblablement assister à une séance complète de spiritisme, de celui du moins qui se pratique dans les salons ou dans les foires, ou encore dans les sociétés de spiritisme composées de badauds et de fumistes qui pullulent dans l’univers, en France surtout et a Paris, et où deux ou trois escrocs exploitent la naïve crédulité d’une masse de gogos superstitieux.


Après s’être assis, nos deux individus prirent un air inspiré, se passant l’un la main dans les cheveux crasseux qu’il avait, l’autre dans ceux qu’il n’avait plus, roulant les yeux blancs d’une poule qui guigne un grain de blé ou un ver, et poussant un soupir creux d’inspiration et comme d’appel.

Des servants apportèrent devant l’un d’eux, le jeune, un guéridon, de ceux si connus qui servent à ce genre d’expériences, léger et sur des roulettes ; l’autre y posa tout de suite la main.

Quelques secondes se passèrent, et un craquement se fit entendre dans le guéridon, puis un second ; puis, nous vîmes très distinctement le guéridon osciller faiblement. Évidemment, nous étions en présence de gens qui se donnaient pour des médiums de premier ordre.

Mais voici qu’une scène inattendue se produisit, qui était certainement une comédie réglée d’avance. Le jeune médium, tout comme une simple femmelette exigeant de son mari la satisfaction d’un caprice, eut soudain une attaque de nerfs, en poussant de petits cris.

— Je vois ce que c’est, fit l’autre ; j’ai trop de fluide aujourd’hui. L’esprit vient déjà ; mais sa première manifestation semblerait indiquer qu’il s’oppose, du moins pour le moment, à ce que mon collègue me prête son concours.

— Je n’y comprends rien, répliqua l’autre tout en se contorsionnant, jamais je n’ai éprouvé cela. Attendons un moment, si l’honorable assistance veut bien le permettre ; j’opèrerai avec vous dans quelques minutes.

La salle témoignait, par divers muets signes d’impatience, qu’elle avait hâte, au contraire, de voir la séance de spiritisme commencer de suite.

— Monsieur le président, reprit à haute voix le vieux pseudo-médium, ne voulant pas retarder ces intéressantes expériences, d’autant plus que je sens l’empressement des esprits à répondre à mon appel, je vous demande la permission de me priver provisoirement du concours de mon estimé collègue, et je prierai alors deux des personnes de l’honorable assistance d’avoir l’obligeance de le remplacer… Si donc vous daignez, monsieur le président, m’adjoindre deux de ces messieurs, de