Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/570

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bonne volonté, et surtout qui soient sincèrement croyants, tout ira pour le mieux ; et nous rappellerons ensuite mon estimé collègue…

— Rien de plus juste, répondit le président, et précisément, puisque, nous avons l’avantage de posséder ce soir deux distingués confrères et collègues étrangers : Monsieur Sundström, de Stockholm, spirite lui-même des plus considérables, et monsieur le docteur Bataille, de la marine française, nous allons prier ces deux messieurs, s’ils le veulent bien, de prêter main forte, c’est le cas de le dire, à notre médium le mieux en fluide.

Il n’avait pas sourcillé pendant la comédie des deux compères. Il ajouta, s’adressant aux servants et leur désignant le jeune pseudo-spirite trop nerveux :

— Veuillez conduire monsieur dans une de nos salles de repos.

Ainsi fut clos l’incident.

J’étais, quant à moi, enchanté de la proposition du président. J’avais, en effet, souvent assisté en spectateur à des séances de spiritisme, notamment de tables tournantes, mais toujours chez des gens du monde ou dans des milieux, enfin, où il eût été parfaitement inconvenant de montrer que le maître de la maison était un imbécile ou un halluciné de connivence avec un ou deux toqués ou un ou deux fumistes de mauvais goût.

J’avais bien souvent aussi, notamment dans les séances de la société spirite de la rue de Chabanais à Paris, vu la supercherie, grossière et facile à pincer sur le fait ; mais jamais je n’avais fait autre chose qu’en rire. C’est, d’ailleurs, tout ce que cela mérite. Ici cependant, il allait en être autrement ; nous étions là, en définitive, pour contrôler sérieusement, c’est-à-dire scientifiquement, et à notre aise, par conséquent.

Au nom prononcé par le président, du célèbre Sundström, de Stockholm, le vieux médium avait levé la tête et ne le perdait plus des yeux. Il se demandait évidemment : « Ai-je affaire ici à un fumiste comme mon collègue et moi, ou à un toqué ? en d’autres termes : Sundström est-il un imbécile ou un fripon ? »

Pendant ce temps, nous descendions les gradins de l’amphithéâtre et nous entrions dans le cercle. Un servant nous approche deux chaises ; nous nous assîmes devant le guéridon. Une chose, que je n’avais pas d’abord remarquée, me frappa : à la main gauche de Sundström brillait un anneau d’or, le fameux anneau de la maçonnerie. Sundström était un Favori de Saint-André, haut grade du rite suédois de Swedenborg, correspondant au Kadosch ; mais il avait reçu l’anneau. J’eus tout juste le temps de faire cette constatation ; car nous n’étions pas encore assis et nous avions à peine nos mains en contact avec le bois, que tout à coup le guéridon, poussé en avant comme par une force irrésis-