Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/578

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jeune pseudo-médium. Je sais qu’il a gardé un souvenir impérissable de cette soirée. On pense, en effet, les sensations par lesquelles lui convaincu a dû passer et dans quel état a dû se mettre son système nerveux. En voilà un à qui il ne ferait pas bon de dire que les procédés de spiritisme préconisés par Allan-Kardec sont de simples farces, et que les esprits ne se manifestent pas dans les tables.


De ces expériences de pseudo-spiritisme, il y a cependant quelque chose à retenir. Même quand on est prévenu, on éprouve une singulière sensation difficile à analyser, lorsqu’on sent cette table, ce morceau de bois en définitive, vibrer et comme s’animer sous votre main immobile. Et bien certainement, cette sensation particulière aidant, pour peu que le milieu, les conversations précédentes, l’entraînement, que sais-je ? enfin une foule de circonstances qui peuvent influencer votre esprit se présentent et se trouvent réunis, on s’hallucine très bien, et l’on prend pour réalité ce qui n’est, en somme, on le voit, que supercherie et mauvaise plaisanterie.

Comme on le voit aussi, plus les conditions de l’expérience ont l’air sincères, plus on a la conviction absolue que toute entente et toute tricherie sont impossibles, et plus encore il faut se méfier. Notre cas en est une preuve évidente et qui crève les yeux.

Je suis resté quelque temps en correspondance avec Sundström, et je sais par ses livres que le tout Stockholm spirite a été révolutionné par l’admirable séance que son chef lui a racontée et que toute une théorie sur « l’animosité chez les esprits » a été échafaudée là-dessus !

Jugez par là à quelle dose de stupidité le pseudo-spiritisme et ses pratiques peuvent conduire leurs adeptes.

Pour en revenir à la séance, cela devenait maintenant sans intérêt. Je jetai un rapide regard sur le président ; il souriait toujours et n’avait rien perdu de vue. Dans la salle, on causait vivement, les lumières ayant été rallumées à la suite et à cause de l’évanouissement de Sundström ; et les opinions étaient partagées.

Le médium et moi, nous avions abandonné le guéridon, laissant Frédéric-le-Grand rétablir son orthographe et se débrouiller comme il l’entendrait.

C’est encore la une remarque qui n’est pas dénuée de tout intérêt. Dans les séances du pseudo-spiritisme, vous verrez souvent des esprits appelés, qui répondent à l’appel, et puis, que, pour une cause ou pour une autre, on plante la tout à coup, sans autre forme de procès, sans leur crier gare ni même s’excuser.

Eh bien, ils ne protestent jamais ; ils restent bêtement dans le guéridon abandonné, ne songeant seulement pas à l’agiter un peu, ne fût-ce que