Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/579

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pour montrer qu’ils sont froissés de l’impolitesse commise à leur égard. Cela seul ne sent-il pas la supercherie à cent kilomètres ? et n’est-il pas clair comme le jour que, si c’était réellement un esprit qui fût présent, il ne serait pas content du procédé employé et protesterait avec l’avant-dernière énergie ?

Quoi qu’il en soit, maintenant, je le répète, la séance manquait d’intérêt. Tous les phénomènes qui peuvent se produire dans et au moyen d’une table avaient été présentés à l’assistance. Chacun avait pu en suivre les péripéties ; elles étaient, au demeurant, celles que tout le monde connaissait et auxquelles tout le monde peut assister.

Et ici, il me faut ouvrir une courte parenthèse, pour signaler en peu de mots la banalité de tous ces phénomènes soi-disant produits par des esprits, alors que ces derniers pourraient faire et font en effet des choses extrêmement curieuses et inattendues, comme nous allons le voir, quand ils sont évoqués d’une façon spéciale aussi, et en parfaite connaissance de cause. Vous remarquerez que les soi-disant spirites, n’inventent jamais rien et ne sont jamais des précurseurs ; ils se traînent en général à la suite de la science ou quelquefois de la cabale, mais dans l’ornière, s’essayant à reproduire, imitant, singeant les véritables phénomènes et les résultats des réelles expériences, mais dès que ceux-ci sont archi-connus, découverts par la science et entrés absolument dans le domaine public. Cette observation seule est leur condamnation. Les esprits soi-disant évoqués ne nous apparaissent donc jamais avec une originalité, un sens propre, quelque chose de personnel ; ils ne sont que de pâles reflets, comme des ombres chinoises qui résident dans l’esprit seul de ceux qui les simulent ou de ceux qui assistent plus ou moins frappés à cette simulation et à ces supercheries.

Mais, puisque je suis en train de faire le procès du pseudo-spiritisme appelé à la barre de la société allemande, à la réunion de laquelle je fais assister le lecteur, il me faut en continuer la description et montrer comment ce n’est pas le raisonnement et le sain jugement seuls qui font découvrir les honteuses jongleries de gens sans aveu, mais que la science nous fournit encore des moyens de contrôle d’une exactitude indéniable et d’une scrupuleuse rigueur.

Donc, nous étions là, le médium et moi, debout, en face de notre guéridon, maintenant immobile et pour cause, et nous attendions la fin du brouhaha des conversations qui de tous les côtés s’étaient engagées.

Le président sonna légèrement et obtint aussitôt le silence.

— Vous devez être, dit-il alors en s’adressant au médium, très fatigué et à bout de forces, n’est-ce pas, très distingué monsieur ?