Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/593

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exceptions près, lorsque le guéridon aura ses trois pieds distincts partant des côtés mêmes et près des bords du plateau. »

Et, tout en nous donnant les explications qui précèdent, le président soulevait le guéridon et frappait des coups avec les pieds.

Après quoi, il reprit :

« — Vous venez de comprendre, messieurs, quelles sont les qualités que doit avoir un guéridon dans toute représentation pseudo-spirite, quel est son rôle, quel est enfin le rôle du soi-disant médium et celui de l’aimable farceur indifférent.

« Eh bien, laissez-moi vous ajouter que, dans de telles conditions, tout marche en général sur des roulettes, c’est bien le cas de le dire. Les plus remarquables séances sont toujours celles qui ont lieu, en présence d’imbéciles, entre complices, coquins ou indifférents. Alors, les prétendues manifestations marchent avec ensemble, les coups, roulements, demandes, réponses, etc., etc. ; tout cela est net, bien frappé, bien tranché. Le simulateur et le plaisant qui aime à mystifier, qui est content et fier de poser un instant pour la galerie et de berner toute une société, s’entendent alors admirablement. Rien ne manque, à la profonde admiration des bons gogos.

« — Quelle merveilleuse soirée ! disent-ils en s’en allant ; quel médium ! et comme les esprits étaient ce soir favorablement disposés ! »

« Mais, hélas ! il n’en est plus de même lorsqu’un convaincu ou qu’un névropathe se mêle de la chose, et cet homme est un fléau que les pseudo-médiums craignent cent mille fois plus que les malins, dont nous allons avoir à nous occuper aussi.

« Vous avez vu tout à l’heure ce qui s’est passé pour notre collègue le professeur Hans Sundström. À son insu, il a été pris d’une crise, d’une tétanie d’abord, puis de convulsions rythmiques de tout son système nerveux généralisées, mais qui pendant un temps se sont localisées aux muscles extenseurs de la région dorsale des avant-bras.

« Dans ces cas, vous comprenez, n’est-ce pas, messieurs, que le guéridon craque et remue, admirablement ; mais avec quelle incohérence alors aussi ? Plus rien n’est réglé, les coups succèdent aux roulements, et ceux-ci s’entremêlent avec les levées alternatives de pieds. Bonsoir, dans ce cas, la séance ; elle est irrémédiablement perdue.

« — Les esprits sont mal disposés ce soir, dira-t-on à la ronde ; ou bien : nous avons affaire à des esprits loustics ou incohérents qui veulent s’amuser. »

« Le fin mot est que le névropathe inconscient en état de crise remue et contracte ses muscles aux hasards de la période, ne peut se maîtriser, encore moins être maîtrisé, et produit par conséquent cette cacophonie.